Les nouveaux médicaments contre l'obésité, des outils prometteurs mais insuffisants
"Mon addiction, c'est la nourriture. J'ai vécu plusieurs drames familiaux et j'ai 'mangé' mon chagrin, parce que je refusais de prendre des anxiolytiques ou des antidépresseurs", témoigne Nadine, 64 ans, lundi dans La Matinale. Résultat: une obésité morbide qui a engendré des problèmes cardiaques et du diabète.
Après avoir testé différents régimes qui l'ont à chaque fois menée à reprendre du poids, elle a décidé il y a trois ans de rejoindre l'Unité d'éducation thérapeutique du patient des HUG afin de perdre 30 kilos. En deux ans et demi, elle en a déjà perdu 25 grâce à la prise de médicaments.
Bienveillance des médecins
"Ça n'est pas spectaculaire, mais ça va vite", raconte-t-elle. "La première année, j'ai effectivement perdu les fameux 15% que l'on annonce. La deuxième année, c'était un peu plus difficile, avec le temps qui passe et l'effort à fournir en continu. Sans le soutien des médecins, je me serais permise trop d'écarts et je serais certainement retombée dans mes travers. C'est le fait d'avoir chaque fois un rendez-vous qui me redonnait un but. Et la bienveillance des médecins qui ne vous jugent pas, qui vous aident et qui vous traitent comme une malade, ça fait du bien, c'est rassurant!"
On ne peut pas les considérer comme une baguette magique
Sans ce suivi médical, toutefois, ces nouveaux médicaments pour la perte de poids, qui agissent sur le système de récompense du cerveau [lire encadré], restent à prendre avec des pincettes. Si des études scientifiques attestent d'une perte de poids initiale comprise entre 12 et 15%, la recherche manque de recul puisque ces produits anti-obésité de nouvelle génération ne sont testés que depuis un ou deux ans.
Des pilules qui ne traitent pas les causes
De plus, l'arrêt du médicament conduit généralement à une reprise de poids. D'où l'importance d'accompagner le traitement avec une prise en charge plus large et interdisciplinaire de l'obésité, diététique et psychologique. "On ne peut pas les considérer comme une baguette magique", prévient Zoltan Pataky, responsable de l'unité d'éducation thérapeutique du patient aux HUG.
Le médicament seul peut être un traitement uniquement symptomatique qui ne va pas traiter les causes
"On sait que plus de 80% des patients et patientes en situation d'obésité présentent des troubles du comportement alimentaire et ces troubles nécessitent en fait une prise en charge spécialisée. Il faut rappeler que l'obésité est une maladie complexe, chronique, et que le médicament seul peut être un traitement uniquement symptomatique qui ne va pas traiter les causes", détaille-t-il.
Certaines restrictions en Suisse
Deux de ces médicaments viennent d'être autorisés en Suisse: le Wegovy, qui se prend par injection hebdomadaire, est remboursé depuis quelques mois par l'assurance-maladie de base pendant trois ans; et le Munjaro, approuvé début juillet mais qui n'est pas encore pris en charge par la LAMal.
Plus ancien, le Saxenda est également autorisé mais il est souvent en pénurie et il a été limité pour les 12-18 ans en Suisse. Quant à l'Ozempic, il est réservé au diabète de type 2, aussi en partie pour éviter les pénuries.
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ar/jop
Action sur le système nerveux central
Si ces nouvelles substances destinées à perdre du poids diminuent bel et bien l'envie de manger, elles ne le font pas comme un coupe-faim classique. "On sait que l'alimentation est souvent émotionnelle chez nos patients et la nourriture ou certains aliments sont souvent utilisés comme une sorte de récompense et de plaisir face à des situations difficiles", explique Zoltan Pataky.
"Alors ces médicaments agissent sur le centre de récompense au niveau du système nerveux central et peuvent un petit peu modérer les envies d'une manière plus physiologique", poursuit-il.
S'ils ont également un effet sur l’estomac, c'est donc principalement cet aspect qui est intéressant et nouveau, et qui laisse penser qu'ils pourraient être utilisés un jour pour traiter d’autres maladies ou addictions.