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Les orages solaires vont augmenter et accélérer le déclin d'Hubble

Le Soleil atteint son pic d’activité, et les scientifiques sont aux aguets
Le Soleil atteint son pic d’activité, et les scientifiques sont aux aguets / 19h30 / 2 min. / le 18 mai 2024
Lorsque des particules solaires chargées arrivent sur l'atmosphère terrestre, cela donne naissance à de superbes aurores boréales. Mais le phénomène peut aussi endommager nos appareils technologiques et des satellites artificiels dont le télescope spatial Hubble.

Du 10 au 12 mai, notre Terre a été frappée par la plus grosse tempête solaire depuis plus d'une décennie, engendrant un magnifique spectacle: "Le Soleil est un plasma et ces aurores boréales sont dues à une éjection d'un flux solaire de particules, essentiellement des électrons et des ions", explique l'astrophysicienne Corinne Charbonnel, professeure au département d'astronomie de l'Université de Genève.

"Elles sont éjectées depuis la haute atmosphère du Soleil. Il y a une recombinaison brutale et soudaine du champ magnétique local dans certaines régions de sa surface: c'est cela, une tempête solaire", précise-t-elle au micro de Forum, lundi.

La variabilité du Soleil

"L'intensité du phénomène varie avec l'activité du Soleil. Ce dernier a un cycle de onze ans et, là, on est proche du pic solaire." Les pics précédents datent de 1992, 2003 et 2014; les suivants devraient arriver en 2025, voire peut-être même début 2026, comme l'indique l'astrophysicien américain Ethan Siegel dans un article, précisant que le Soleil en est à son 25e cycle. Le 26e cycle est prévu pour 2036 ou 2037.

Cette activité a notamment été observée de près par le satellite spatial SOHO, de la NASA et l'ESA (lire aussi encadré). Cet observatoire solaire et héliosphérique est positionné entre notre planète et le Soleil. Il l'a capturé en train de cracher des nuages de particules et émettre une rafale particulièrement importante en direction de la Terre le 11 mai.

"La tempête récente est associée à une forte éruption dans un ensemble de taches solaires dont le diamètre est à peu près 17 fois celui de la Terre. On a pu observer cette éruption quelques heures avant l'arrivée de ces particules: elles ne voyagent qu'à à peu près trois millions de kilomètres/heure, alors que la lumière va beaucoup plus vite." Corinne Charbonnel note que c'est ainsi que les astronomes ont pu prédire l'arrivée de ces particules et, donc, des aurores boréales: "Quand ces particules arrivent au niveau de l'orbite de la Terre, le champ magnétique terrestre nous protège. Mais des milliards de collisions se produisent entre ces particules éjectées par le Soleil à très grande vitesse et les particules de la haute atmosphère".

Un pic d’activité solaire à l’origine des aurores boréales récentes: interview de Corinne Charbonnel (vidéo)
Un pic d'activité solaire à l'origine des aurores boréales récentes: interview de Corinne Charbonnel / Forum / 3 min. / le 13 mai 2024

Ce sont ces interactions qui génèrent de la lumière de différentes couleurs: "Elles vont dépendre de la composition de l'atmosphère. Quand vous voyez de la lumière verdâtre ou rouge, cela vient de l'oxygène de notre atmosphère, si c'est bleu, c'est l'azote".

Les éruptions solaires sont de puissantes bouffées d'énergie qui peuvent avoir un impact sur les communications radio, les réseaux électriques, les signaux de navigation et présenter des dangers pour les engins spatiaux et les astronautes. "Les risques principaux se passent à haute altitude", note Corinne Charbonnel: "Une grande partie des satellites artificiels qui gravitent autour de la Terre possèdent des modes qui leur permettent de 'fermer les écoutilles' pour protéger l'électronique de ce grand flux de particules. D'autres n'en ont pas et risquent de griller."

La fin proche du télescope spatial Hubble

Quant au télescope spatial Hubble, il pâtit des crises de colère du Soleil pour une autre raison: l'activité solaire augmente le taux de décroissance orbitale des satellites en orbite basse. A cet endroit, ces engins entrent aussi en collision avec des atomes et des molécules de l'atmosphère terrestre. Bien que minuscules et au niveau atomique, ces impacts s'additionnent et contribuent à une très légère force de frottement: "Au fil du temps, les satellites sont entraînés vers des orbites de plus en plus basses, ce qui fait qu'ils subissent une force de frottement atmosphérique plus importante, entraînant leur disparition de manière beaucoup plus rapide", remarque Ethan Siegel.

Or, Hubble a été lancé en 1990 à une altitude de 620 kilomètres, ce qui représente presque deux fois l'altitude de l'ISS. Le télescope star a vu son orbite réhaussée lors de chacune des missions qui visaient à son entretien – la dernière datant de 2009: il était alors à une altitude de 570 kilomètres.

"Il se trouve toujours dans la thermosphère terrestre [couche se trouvant juste avant l'exosphère, ndlr.], et son orbite non seulement décline, mais décline plus rapidement chaque fois que le cycle solaire atteint un sommet, comme c'est le cas en ce moment", écrit l'astrophysicien. Car les particules éjectées par le Soleil sont hautement énergétiques. Hubble devrait perdre dix kilomètres entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024, "ce qui représente la plus forte dégradation de l'orbite en une seule année sur les 34 ans d'existence du télescope spatial Hubble dans l'espace".

>> L'altitude moyenne du télescope spatial Hubble corrélée aux taches solaires:

Les données sur les taches solaires des 35 dernières années (orange) et les données sur l'altitude moyenne du télescope spatial Hubble (bleu) au fil du temps. A noter que les missions d'entretien augmentent l'altitude de Hubble, mais que l'augmentation de l'activité solaire correspond à une perte rapide d'altitude au fil du temps. [Ethan Siegel, Big Think - J.J. Hermes/Jonathan McDowell, Twitter]
Les données sur les taches solaires des 35 dernières années (orange) et les données sur l'altitude moyenne du télescope spatial Hubble (bleu) au fil du temps. A noter que les missions d'entretien (SM) augmentent l'altitude de Hubble, mais que l'augmentation de l'activité solaire correspond à une perte rapide d'altitude au fil du temps. [Ethan Siegel, Big Think - J.J. Hermes/Jonathan McDowell, Twitter]

Ethan Siegel prédit qu'en 2026, Hubble sera en dessous de 500 kilomètres pour la première fois depuis son lancement: "Un Soleil plus actif accélérera sa décroissance orbitale". Et de résumer: "Si nous n'intervenons pas, Hubble ne survivra pas au pic du 27e cycle solaire".

Du haut de ses 34 ans, le télescope spatial Hubble est loin d'être obsolète et contribue encore grandement à l'astronomie du XXIe siècle; il reste complémentaire à James Webb.

>> La nébuleuse planétaire M76, une coquille en expansion de gaz incandescents éjectés d'une étoile géante rouge mourante, capturée par Hubble:

Pour célébrer le 34e anniversaire du lancement du légendaire télescope spatial Hubble, le 24 avril, des astronomes ont pris un cliché de la petite nébuleuse de l'haltère (également connue sous le nom de Messier 76, M76 ou NGC 650/651), située à 3400 années-lumière dans la constellation circumpolaire septentrionale de Persée. Le rayonnement ultraviolet intense de l'étoile super chaude fait briller les gaz. Le rouge est dû à l'azote et le bleu à l'oxygène. [NASA, ESA, STScI - Hubble]
Pour célébrer le 34e anniversaire du lancement du légendaire télescope spatial Hubble, le 24 avril, des astronomes ont pris un cliché de la petite nébuleuse de l'haltère (également connue sous le nom de Messier 76, M76 ou NGC 650/651), située à 3400 années-lumière dans la constellation circumpolaire septentrionale de Persée. Le rayonnement ultraviolet intense de l'étoile super chaude fait briller les gaz. Le rouge est dû à l'azote et le bleu à l'oxygène. [NASA, ESA, STScI - Hubble]

Interview radio: Thibaut Schaller

Article web: Stéphanie Jaquet

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Un œil en permanence sur le Soleil et ses tempêtes

Le Solar Dynamics Observatory (SDO) de la NASA garde en permanence un œil sur le Soleil. Il vise à comprendre les causes de la variabilité solaire et son impact sur la Terre. L'engin spatial étudie l'atmosphère de notre astre sur de petites échelles d'espace et de temps, dans de nombreuses longueurs d'onde simultanément. Il surveille aussi l'intérieur du Soleil, son champ magnétique et sa production d'énergie.

>> Les éruptions solaires des 13 et 14 mai 2024:

Les images des éruptions solaires  – le flash lumineux sur la droite des images – les 13 et 14 mai 2024 montrent un sous-ensemble de lumière ultraviolette extrême mettant en évidence la matière extrêmement chaude des éruptions: elle est colorée en violet, rose et or.La première éruption est classée dans la catégorie X1,7 et la seconde X1,2. La classe X désigne les éruptions les plus intenses, tandis que le numéro fournit plus d'informations sur leur puissance. [NASA - SDO]
Les images des éruptions solaires – le flash lumineux sur la droite des images – les 13 et 14 mai 2024 montrent un sous-ensemble de lumière ultraviolette extrême mettant en évidence la matière extrêmement chaude des éruptions: elle est colorée en violet, rose et or. La première éruption est classée dans la catégorie X1,7 et la seconde X1,2. La classe X désigne les éruptions les plus intenses, tandis que le numéro fournit plus d'informations sur leur puissance. [NASA - SDO]

Pour comprendre comment ces phénomènes météorologiques spatiaux peuvent affecter la Terre, la NASA les surveillent de près via son Centre de prédiction de la météo spatiale.

Bien que les particules solaires mettent généralement trois jours à arriver, les événements les plus énergétiques peuvent atteindre la Terre en moins de 24 heures. Un orage géomagnétique peut présenter un risque pour les réseaux électriques et les zones électrifiées; il pourrait provoquer un grand nombre d'incendies et de surtensions, ce qui s'est déjà produit par le passé. Cette fois-ci, les effets perceptibles sur Terre ne furent que de spectaculaires aurores boréales.

Une flotte d'engins spatiaux étudie le maximum: de l'activité du Soleil à l'atmosphère solaire, en passant par les particules et les champs magnétiques dans l'espace entourant la Terre.