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Les parcs solaires alpins encore loin de se faire une place au soleil

Bilan à mi-parcours de la mise en place des parcs solaires alpins
Bilan à mi-parcours de la mise en place des parcs solaires alpins / La Matinale / 5 min. / le 18 mars 2024
Voté il y a un an et demi par le Parlement, le programme Solarexpress prévoit des procédures facilitées et des subventions généreuses pour les parcs solaires qui seront en capacité de fournir une partie de leur électricité fin 2025. Or, si huit projets sont au stade de la mise à l’enquête auprès des cantons, aucun permis de construire n’a encore été délivré.

"L'avancement est très lent", a confirmé lundi dans La Matinale de la RTS l'ingénieur valaisan indépendant Arnaud Zufferey, qui ne cache pas ses critiques. "Ces huit projets représentent 163 gigawatts-heure, soit à peu près 8% des 2000 GWh promis. On est donc très en retard", déplore-t-il.

Projetés dans le Haut-Valais, à Berne et dans les Grisons, ces parcs solaires alpins sont pour l’heure suspendus au travail des cantons. Le délai de traitement est compris entre cinq mois dans les Grisons et trois mois à Berne ou en Valais, pour autant que les dossiers soient complets.

Ensuite seulement, les oppositions pourront être formulées et portées jusqu'au Tribunal fédéral. Et il y en aura: la semaine dernière, les associations de défense de l'environnement Pro Natura et Mountain Wilderness ont d'ores et déjà annoncé qu'elles s'opposaient au projet de Gondo (VS).

14 projets déjà enterrés

Ce bilan pour l'heure modeste s'explique d'abord par une série d'échecs sur le plan politique: 14 centrales solaires ont été enterrées par le peuple ou les législatifs des communes. Rien que depuis décembre dernier, on dénombre six refus: Surses et Ilanz dans les Grisons, Saanen dans le canton de Berne, Saas Grund et Albinen en Valais, et le dernier en date, Oberiberg dans le canton de Schwyz il y a deux semaines. Là-bas, l'enfant du pays et futur président de l’UDC Suisse Marcel Dettling menait une fronde agricole contre ce projet du géant Axpo.

>> Lire aussi: : La fronde s'organise contre les grands projets solaires et éoliens en montagne

L'ingénieur zurichois Ruedi Kriesi, qui préside la communauté d’intérêt Solalpin, regrette lui aussi cette lenteur. Pour lui, jouer la carte locale constituerait un atout face au peuple. "Si la commune ou l'entreprise locale d'approvisionnement en électricité participent au projet, cela facilite son acceptation", pointe-t-il, plaidant également pour des contreparties financières plus généreuses pour les populations locales.

"Il nous faut de l'expérience sur la technique, le comportement du bétail, l'effet sur la biodiversité de ces installations

Ruedi Kriesi, président de la communauté d’intérêt Solalpin

Dix-neuf projets ont tout de même été acceptés dans les communes, en votation populaire ou par l'assemblée communale, soit davantage que le nombre de rejets. Mais pas de quoi satisfaire Ruedi Kriesi, qui espérait beaucoup mieux.

"Ces 19 projets représentent un total de 600 gigawatts-heure par année, soit 30% du programme Solarexpress", calcule-t-il, tout en concédant que parvenir à les réaliser "serait déjà très bien", notamment parce qu'ils amélioreraient les connaissances en la matière alors que la Suisse n'a encore aucune expérience en matière de parcs solaires alpins. "Il nous faut de l'expérience sur la technique, le comportement du bétail, l'effet sur la biodiversité de ces installations", relève l'ingénieur.

Une construction compliquée

Construire ces centrales solaires au beau milieu des Alpes n'est pas si simple, confirme Arnaud Zufferey. "Il ne suffit pas simplement de faire, comme dans l'agri-voltaïque, 'pousser' des pieux dans de la terre meuble. Un promoteur me disait qu'on se rapproche plus de la construction de téléphériques ou de barrages, car il s'agit d'installations lourdes avec des fondations, des risques géologiques comme les chutes de pierre ou les glissements de terrain, la neige...", explique l'ingénieur.

De quoi rendre peu probable la mise en service de nombreux projets d'ici fin 2025, et même d'un seul.

Sujet radio: Stéphane Deleury

Adaptation web: Vincent Cherpillod

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Une euphorie largement retombée

Depuis l’euphorie du Parlement autour du solaire alpin, autant dire que l'euphorie générale est largement retombée. Il faut dire que les temps ont changé par rapport à septembre 2022, où, dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le prix du gaz et celui de l’électricité avaient bondi et toute la Suisse n’avait qu’un mot à la bouche: black-out. Il fallait trouver une solution pour fabriquer rapidement de l’électricité en hiver, d'où les généreuses subventions pour les grands parcs solaires alpins.

 On s'éloigne actuellement très fortement du seuil de rentabilité

Arnaud Zufferey, ingénieur valaisan indépendant 

"Depuis le lancement de ces projets, on a eu une évolution très négative. Les coûts explosent parce qu'on a de l'inflation et des taux d'intérêt qui montent. On a aussi des études détaillées qui montrent des coûts cachés. En parallèle, les revenus [des producteurs d'électricité, ndlr] sont en forte baisse, avec un prix du mégawatt-heure revenu à la normale sur les marchés. L'un dans l'autre, on s'éloigne actuellement très fortement du seuil de rentabilité", analyse Arnaud Zufferey.

Concrètement, le coût d’investissement moyen pour un KWh de centrale solaire alpine est 25% plus élevé qu’imaginé au départ et il est environ quatre fois plus élevé que pour les panneaux solaires disposés sur les toitures. Cette incertitude du marché sur la rentabilité de cette technologie pèsera sur le choix final des investisseurs qui lorgnent sur les subventions de la Confédération.