Après une sélection drastique parmi 22'500 personnes aspirant au poste, Marco Sieber est le deuxième Suisse à devenir astronaute, trente ans après Claude Nicollier. Il quittera bientôt le centre de Cologne de l'Agence spatiale européenne pour rejoindre l'ISS, la Station spatiale internationale, dans laquelle il évoluera pendant six mois.
A 35 ans, le Biennois vient de compléter une formation exigeante mêlant cours théoriques et simulations de situations critiques. En Allemagne, il a pu se familiariser avec l'environnement de l'ISS, reproduit à l'échelle. Devant ce qui sera sa chambre, il indique: "C'est pas très grand, mais ça suffit, je pense. On a un sac de couchage et, là, c'est un ordinateur et toutes nos affaires personnelles."
"Ça me remplit de bonheur!"
Officiellement apte à s'envoler dans l'espace, il se réjouit d'essayer de repérer notre pays depuis la station en orbite: "J'espère pouvoir prendre des photos des montagnes, peut-être aussi des villes suisses. Et naturellement de Berne et de Bienne!"
J'espère pouvoir prendre des photos des montagnes, peut-être aussi des villes suisses. Et naturellement de Berne et de Bienne
"Ça me remplit de bonheur! C'est un sentiment incroyable pour moi d'être dans cette position maintenant: c'est vraiment un rêve qui devient réalité", dit-il, de l'émotion pointant dans sa voix. Sur sa veste, l'insigne qui porte son nom, deux grandes ailes entourent le logo de l'ESA: "Avant lundi, on n'avait pas encore ces ailes. On les a reçues avec la graduation: recevoir nos ailes d'astronaute, c'est un moment très important pour un ou une astronaute."
Le Suisse fait partie de la crème de la crème. Sélectionné avec quatre autres personnes, il a suivi pendant un an l'une des formations les plus exigeantes au monde: "Il y avait beaucoup à apprendre! Notamment la physique et le métier d'ingénieur de l'espace. Pour moi, c'était vraiment difficile. J'ai dû beaucoup, beaucoup travailler pour réussir. Mais c'était aussi une année avec beaucoup de moments extraordinaires."
Devenir astronaute, c'est intégrer un savoir théorique ultra poussé et aussi apprendre à faire face aux situations les plus critiques: tous les scénarios sont envisagés, comme par exemple celui d'un amerrissage raté, simulé dans l'estuaire de Rostock. Chaque geste est répété, car la survie des astronautes pourrait en dépendre. Il faut aussi apprivoiser l'apesanteur qui a été recréée grâce à des vols paraboliques au-dessus de Bordeaux: pas facile de maîtriser chacun de ses mouvements dans ces conditions.
La résistance de Marco Sieber et de ses camarades a été testée pendant douze mois avec, en point d'orgue, la très redoutée centrifugeuse. La machine reproduit plusieurs G de force: une pression énorme qu'hommes et femmes ressentiront au moment du décollage de leur fusée: "Dans les vols spatiaux, l'avantage c'est qu'on n'est pas assis, mais couché sur la chaise. L'accélération va du ventre au dos. C'est moins mauvais qu'une accélération subie avec la tête en bas, comme pour les pilotes de chasse. La seule chose que j'ai sentie, c'est que les bras deviennent plus lourds et la respiration un peu plus difficile."
Pilote, parachutiste, secouriste, urologue et astronaute
L'homme est taillé pour les expériences extrêmes, avant de devenir astronaute, il avait déjà une licence de pilote, une formation de parachutiste et était secouriste pour Air Glaciers. Ce médecin assistant en urologie à l'Hôpital de Bienne estime que sa formation est également un atout: "Les astronautes ont un risque beaucoup plus haut de développer des calculs rénaux et aussi, par exemple, des infections de la vessie, urinaires ou aussi des rétentions urinaires: toutes sont des maladies urologiques."
Enfant, Marco Sieber rêvait de devenir astronaute: "J'étais fasciné par les images et les vidéos des gens qui marchaient sur la Lune. L'espace me fascinait, notamment quand j'étais dans les montagnes: de voir le ciel et de ne pas savoir quel est le bord de notre Univers. Qu'est-ce qui s'y trouve?" En tant qu'astronaute, il sait qu'il pourra investiguer cet inconnu: "On doit avoir le sens de l'exploration et de l'aventure, mais une mission spatiale, c'est toujours très planifié. Ce n'est pas du Wild West", s'amuse-t-il. "C'est important que les astronautes ne soient pas des junkies de l'adrénaline."
Pour lui, être un bon astronaute signifie de savoir travailler en équipe et être un bon camarade: "On doit être tolérant, pas toujours trop réagir et être dans le rouge. On est enfermé dans une petite espace pour longtemps et on se trouve dans un environnement plutôt étrange et aussi quelquefois dangereux. On doit être une personne à laquelle on peut faire confiance parce qu'on a beaucoup de responsabilités."
Mission fondue
Marco Sieber attend désormais son ordre de mission: il devrait rejoindre la station spatiale d'ici 2030. En attendant, il va continuer à s'entraîner et tenter de résoudre une question de taille: "J'espère qu'il est possible de développer une fondue qu'on peut manger dans l'espace, ça serait super! Mais je ne sais pas si c'est possible au niveau technique: on a toujours de l'eau chaude... peut-être qu'on peut la réchauffer ainsi. Mais c'est clair: on ne peut pas faire de feu."
"Je ne suis pas ingénieur, mais on va trouver une solution", s'amuse-t-il. "Si quelqu'un regarde cette interview et qu'il ou elle a une idée, il faut s'annoncer!"
Reportage TV: Flore Amos
Article web: Stéphanie Jaquet