Si l'impact des activités humaines – montée en flèche des gaz à effet de serre, propagation des microplastiques et autres pollutions de tous genres, extinctions massives d'espèces – n'est pas nié, cela ne signifie pas pour autant que nous sommes sortis de l'Holocène, la période géologique débutée il y a environ 12'000 ans à la fin de la dernière glaciation, pour entrer dans l'"époque de l'Humain", a estimé l'Union internationale des sciences géologiques (IUGS).
La décision "de rejeter la proposition d'une époque anthropocène comme unité formelle de l'échelle des temps géologiques est approuvée", a fait savoir un communiqué de l'organisation publié jeudi, confirmant un vote achevé le 4 mars. Il y a eu quatre voix pour, douze contre et trois abstentions, est-il précisé.
Il n'existe aucune voie d'appel, même si certains membres du comité de vote avaient fait part de leurs doutes concernant le déroulement du scrutin et la régularité de la procédure.
Des allégations rejetées en bloc par l'Union internationale des sciences géologiques, qui estime que même s'il ne constitue pas à proprement une nouvelle époque géologique, le terme Anthropocène restera largement utilisé: "Il restera un descripteur inestimable de l'impact humain sur le système Terre", a reconnu l'organisme, réputé intransigeant sur les modifications de la Charte chronostratigraphique internationale.
Des critères stricts
Signe que cet impact avait ému la communauté scientifique et géologique, un groupe de travail avait été composé en 2009 pour déterminer dans quelle mesure l'Humanité avait ou pas changé d'époque géologique, depuis quand et quels en étaient les signes les plus emblématiques.
En juillet, après près de quinze ans d'études, les membres de ce groupe avaient choisi le lac Crawford, près de Toronto au Canada, comme étant le site de référence mondial du commencement de l'Anthropocène.
Les sédiments stratifiés au fond de cette petite étendue d'eau d'un kilomètre carré, chargés de microplastiques, de cendres de combustion du pétrole et du charbon, et de retombées des explosions de bombes nucléaires, constituent la meilleure preuve qu'un nouveau chapitre de l'Histoire de la Terre s'est ouvert, au point d'être visible dans le sol, avaient alors conclu ces scientifiques.
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Mais ils savaient déjà qu'une reconnaissance de l'Anthropocène par les gardiennes et gardiens de l'IUGS était plus qu'incertaine, de nombreux géologues de renom estimant que les critères techniques d'introduction d'une nouvelle époque géologique n'étaient pas réunis.
Le vote s'est déroulé dans une sous-commission de la puissante Commission internationale de stratigraphie (ICS), un organe de l'IUGS chargé d'élaborer la frise découpant méthodiquement les 4,6 milliards d'années de l'histoire de la Terre en ères, périodes et époques géologiques.
Il n'y a aucun désaccord sur le fait que "l'Âge de l'Homme" a entraîné de profonds changements planétaires, reconnaît toutefois Erle Ellis, un scientifique environnemental critique de la proposition de l'Anthropocène.
Mais "la vérité, c'est qu'il n'y a pas besoin d'établir une frontière de manière ferme. Ce n'est tout simplement pas l'enjeu le plus important", avait estimé début mars Erle Ellis, professeur de géographie et de systèmes environnementaux à l'Université du Maryland.
Une "occasion manquée"
Pour Martin Head, professeur de sciences de la Terre à l'Université Brock au Canada et partisan de la reconnaissance de l'Anthropocène, il existe pourtant "une myriade de signaux géologiques" de cette nouvelle époque.
Le rejet par l'IUGS est "une occasion manquée de reconnaître et d'approuver une réalité simple, à savoir que notre planète a quitté son état de fonctionnement naturel au milieu du XXe siècle", selon lui.
afp/sjaq