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Obésité, le médicament que tout le monde s'arrache

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Enquête sur la piqûre qui fait maigrir / 36.9° / 46 min. / le 31 janvier 2024
Sur le marché de la perte de poids, un nouveau médicament a fait son apparition et fait fureur sur les réseaux sociaux : les analogues du GLP-1, des versions plus dosées d’une molécule initialement utilisée dans le traitement du diabète. Mais les médecins rappellent que ces molécules ne sont pas une baguette magique, elles nécessitent un encadrement multidisciplinaire.

Ce médicament mime l’effet d’une hormone naturelle, le GLP-1. Chez une personne saine, l'hormone fonctionne ainsi: lorsque nous mangeons, les intestins libèrent le GLP-1, un messager qui va aller annoncer au cerveau que nous avons mangé, cela induit une sensation de satiété et diminue les pensées alimentaires. 

Chez les personnes souffrant d’obésité, il y a une dérégulation de cette hormone, elles doivent donc s’en injecter pour réguler leur appétit. "Cet analogue du GLP-1 donne l’information qu’on a mangé alors même qu’on n’a pas mangé. Du coup, s’il y a une perte de poids, notre organisme va la vivre sans essayer de lutter parce que l’être humain n’est pas du tout conçu pour perdre du poids", explique la doctoresse Lucie Favre, endocrinologue au Centre de l’obésité du CHUV. 

Je ne pense plus du tout à manger et c’est quelque chose que je trouve incroyable, parce que ça fonctionne.

Luciano Casto

Pour Luciano Casto, qui souffre d’obésité depuis plusieurs années et qui a déjà subi une opération de chirurgie bariatrique, le médicament agit surtout sur ses pensées alimentaires: "Je ne pense plus du tout à manger, je n’ai plus envie de manger et c’est quelque chose que je trouve incroyable, parce que ça fonctionne."

Ces molécules ont été à la base développées pour les diabétiques, car elles régulent le taux de sucre dans le sang en poussant le pancréas à produire davantage d’insuline. L’effet perte de poids a été découvert par hasard, en observant que les patients diabétiques de type 2 maigrissaient lorsqu’ils étaient sous traitement.

Perdre du poids sans perdre le plaisir de manger

À ce jour, les effets secondaires les plus fréquemment rapportés sont des désagréments gastro-intestinaux tels que la nausée ou la diarrhée. Il y a aussi eu des cas de pancréatite, mais ils restent rares.

Ce médicament induit une perte pondérale et une baisse de sucre dans le sang, mais par des mécanismes autres que de diminuer le plaisir à manger.

Pr. Zoltan Pataky, Responsable de l’Unité d’éducation thérapeutique du patient des HUG

Et contrairement au coupe-faim, ces médicaments ne diminuent pas le plaisir de manger, affirme le professeur Zoltan Pataky, responsable de l’Unité d’éducation thérapeutique du patient des HUG : "Nos résultats ont mis en évidence quelque chose qui n'a pas été observé dans d'autres équipes, c'est que les patients qui étaient sous ce médicament n’ont pas eu moins de plaisir à manger que ceux qui ont été sous placebo. Et notre conclusion a été que ce médicament induit une perte pondérale et une baisse de sucre dans le sang, mais par des mécanismes autres que de diminuer le plaisir à manger."

Il n'y a aucune frustration. Ça fait 40 ans que je lutte, 40 ans de yo-yo. Et là, je ne pense pas, je n'ai pas de fringale. Je vis sereinement, il y a un côté de libération.

Marie-France

Pour Marie-France qui lutte avec des problèmes de poids et l’effet yo-yo depuis des années, ce nouveau médicament lui a permis de perdre 18 kg, et cela, sans perdre le plaisir de manger : "Il n'y a aucune frustration. Ça fait 40 ans que je lutte, 40 ans de yo-yo, de poids qui monte et qui descend avec soit des restrictions, soit de la culpabilisation. Et là, je ne pense pas, je n'ai pas de fringale, et si j'ai envie d'un biscuit, je le prends, mais parce que j'en ai envie, peut-être qu'une seule fois par semaine. Donc je vis sereinement, il y a un côté de libération."

Un espoir pour les patients atteints d’obésité mais attention à l'arrêt

Une perte de poids quasiment garantie avec peu d’effets secondaires. Utiliser les analogues du GLP-1 uniquement pour des raisons esthétiques, l’argument fait saliver. Mais les spécialistes, comme le professeur Zoltan Pataky, rappellent que ce médicament devrait être réservé aux patients qui souffrent d’obésité, pas pour perdre quelques kilos superflus. "C’est d’ailleurs assez risqué parce qu’au fond, on n’a aucune étude qui montre l’impact de ces molécules-là chez des personnes qui ne sont pas en surcharge pondérale et en obésité. Et est-ce que les quelques kilos qui ont été perdus vont demander, pour le maintien de cette perte de poids, une poursuite du traitement sur du très long terme? Ce sont des questions auxquelles on ne répond pas.", ajoute la doctoresse Lucie Favre.

On doit s'occuper de tout ce que j'appelle des faces cachées de l'obésité, avant de prescrire les médicaments qui, eux, vont aider à l'amélioration des changements d'habitude, mais en tout cas pas en première intention, ce n'est pas une baguette magique.

Pr. Zoltan Pataky, Responsable de l'Unité d’éducation thérapeutique du patient des HUG

Les spécialistes insistent sur la nécessité d’un suivi pluridisciplinaire pour limiter les effets secondaires, mais surtout, car les envies alimentaires reviennent après l’arrêt des injections, parfois bien pires qu’avant. Les analogues au GLP-1 ne sont donc pas une baguette magique pour perdre quelques kilos avant l’été. Elles sont destinées à aider les patients souffrant d’obésité en complément d’un suivi pluridisciplinaire : "Le poids qui amène le patient chez nous, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Nous, en tant que spécialiste de l'obésité, on doit s'occuper de tout ce que j'appelle des faces cachées de l'obésité, avant de prescrire les médicaments qui, eux, vont aider à l'amélioration des changements d'habitude, mais en tout cas pas en première intention, ce n'est pas une baguette magique", conclut le professeur Zoltan Pataky.

Reportage TV: Géraldine Genetti et Vanessa Goetelen

Adaptation web: Gaëlle Bisson

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Et chez les enfants?

Si les spécialistes de l’obésité chez les adultes sont sur le pied de guerre, les pédiatres aussi. En Suisse, 15% des enfants sont en surpoids ou obèse. 

Letitia a été suivie par un pédiatre spécialiste de l’obésité. Celui-ci lui a fait intégrer un programme dans lequel elle a été encadrée par un nutritionniste et a participé régulièrement à des cours d’activité physique. Après avoir réussi à perdre du poids avec un changement d'habitudes alimentaires et plus d'activités physiques, son médecin lui propose le Saxenda. Elle accepte. À ce jour, Letitia est toujours sous traitement et son poids continue de baisser. Les analogues du GLP-1 semblent donc marcher sur les adultes et sur les enfants.

On a remobilisé un certain nombre d’adolescents qui avaient perdu foi en l’action sur leur obésité.

 Dr Michel Cauderay, Endocrinologue diabétologue pédiatrique de l'Unité santé cardiovasculaire enfant et adolescent (USCADE)

Les pédiatres ont donc, depuis quelques mois, une corde de plus à leur arc pour aider les jeunes patients, ils peuvent prescrire du liraglutide aux enfants à partir de 12 ans. "On est content parce que ça offre à une frange d’enfants et d’adolescents obèses la possibilité d’en bénéficier. L’autre avantage de l’apparition de ce produit pour les jeunes, c’est qu’on a remobilisé un certain nombre d’adolescents qui avaient perdu foi en l’action sur leur obésité.", commente le Dr Michel Cauderay, Endocrinologue diabétologue pédiatrique de l'Unité santé cardiovasculaire enfant et adolescent (USCADE).