Cette tentative de SpaceX de réaliser la première sortie privée dans l'espace de l'Histoire sera notamment l'occasion de tester un équipement novateur, comme des combinaisons spatiales minces et une cabine sans sas.
Il s'agit de l'une des missions les plus risquées pour la société spatiale d'Elon Musk; jusqu'à présent, seuls des astronautes gouvernementaux de la Station spatiale internationale (ISS), située à 400 kilomètres au-dessus de la Terre, ont tenté de marcher dans le vide spatial.
Baptisée Polaris Dawn, la mission de cinq jours de SpaceX se balancera sur une orbite ovale, passant au plus proche à 190 kilomètres de la Terre et à 1400 kilomètres à son apogée: rien moins que la plus grande distance à laquelle un être humain se sera aventuré depuis la fin du programme lunaire Apollo des États-Unis en 1972.
Les membres d'équipage, dont le milliardaire Jared Isaacman (lire encadré), revêtiront les nouvelles combinaisons spatiales ultrafines de SpaceX, jamais testées en conditions réelles. Le voyage aura pour vaisseau un véhicule Crew Dragon qui a été modifié pour pouvoir ouvrir sa trappe dans le vide de l'espace – un processus inhabituel qui supprime la nécessité d'un sas.
"Ils repoussent les limites de multiples façons", a déclaré Garrett Reisman, astronaute de la NASA à la retraite, lors d'une interview. "La mission se rend également à une altitude beaucoup plus élevée, dans un environnement de radiations plus sévère que ce que nous avons connu depuis Apollo", précise-t-il.
Faire progresser des technologies
La mission a été financée par Jared Isaacman, fondateur de la société de paiement électronique Shift4, qui a refusé d'indiquer le montant de sa participation; celle-ci est estimée à plus de 100 millions de dollars. Il sera accompagné du pilote de la mission, Scott Poteet, lieutenant-colonel retraité de l'armée de l'air américaine, ainsi que de Sarah Gillis et Anna Menon, toutes deux ingénieures principales chez SpaceX.
Pour SpaceX, qui est à l'origine de fusées réutilisables bon marché et de vols spatiaux privés onéreux, cette mission est l'occasion de faire progresser des technologies qui pourraient être utilisées sur la Lune et sur Mars. C'est une fusée Falcon 9 qui lancera la mission Polaris Dawn dans l'espace depuis le Kennedy Space Center, en Floride.
Loin de la bulle protectrice de l'atmosphère terrestre, l'électronique et le blindage de Crew Dragon et des combinaisons spatiales seront testés lorsque l'équipage traversera des parties de la ceinture de Van Allen, une zone où les particules chargées provenant principalement du Soleil peuvent perturber l'électronique des satellites et nuire à la santé humaine. "C'est un risque supplémentaire auquel on n'est pas confronté lorsqu'on reste en orbite basse et qu'on se rend à l'ISS", souligne Garrett Reisman.
Toute la capsule dépressurisée exposée au vide spatial
La sortie dans l'espace de Polaris aura lieu en orbite basse, le troisième jour de la mission, mais les préparatifs commenceront environ 45 heures à l'avance. L'ensemble de la cabine de la capsule en forme de goutte d'eau de Crew Dragon sera dépressurisée et exposée au vide spatial. Seuls deux des astronautes flotteront à l'extérieur, attachés par une ligne d'oxygène. L'ensemble de l'équipage dépendra de sa combinaison spatiale pour assurer son maintien en vie.
Quelques jours avant la sortie dans l'espace, l'équipage entamera un processus de "prérespiration" afin de remplir la cabine d'oxygène pur et d'éliminer l'azote de l'air. Ce gaz, s'il est présent dans le sang des astronautes dans l'espace, peut former des bulles, bloquer la circulation sanguine et provoquer le mal de décompression, comme chez les plongeurs et plongeuses qui reviennent trop vite à la surface de l'eau.
L'équipage utilisera un appareil à ultrasons pour surveiller la formation de bulles, l'un des nombreux outils qui seront utilisés au cours de la mission pour réaliser trente-six expériences scientifiques, offrant à la recherche un rare aperçu de la façon dont les astronautes pourraient se comporter à la surface de la Lune ou ailleurs dans l'espace lointain. "C'est une occasion unique de tester ces véhicules dans un environnement unique", selon Emmanuel Urquieta, vice-président de la médecine aérospatiale au département de médecine interne de l'Université de Floride centrale.
"Pas beaucoup de place pour l'erreur"
Alors que la sécurité des astronautes lors des missions de la NASA est rigoureusement contrôlée par l'agence, il n'existe pas de normes ou de lois américaines pour la sécurité des vols spatiaux dans le cadre de missions privées telles que Polaris Dawn. Les responsables de SpaceX et l'équipage de Polaris ont déclaré lors d'une conférence de presse lundi qu'ils avaient prévu toute une série de scénarios d'urgence en cas de problème au cours de la mission, comme une fuite d'oxygène ou l'impossibilité de refermer la porte de l'écoutille; aucun détail n'a toutefois été donné sur ces scénarios.
Garrett Reisman estime bien connaître l'équipage de Polaris et pense qu'il est prêt à faire face à tout imprévu: "Mais il n'y a pas beaucoup de place pour l'erreur", a-t-il ajouté.
sjaq et les agences
La maintenance d'Hubble envisagée
Trois missions Polaris avec des êtres humains à son bord sont prévues. La dernière vise potentiellement à la maintenance du télescope spatial Hubble.
Bien que ce projet ne soit pas encore validé par la NASA, il montre l'ambition des missions privées de contribuer à des projets scientifiques de grande envergure.
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Deux hommes, deux femmes
Le commandant de cette mission de cinq jours est le milliardaire américain Jared Isaacman, qui s'est déjà rendu dans l'espace en 2021 à bord d'une autre mission de SpaceX qu'il avait affrétée, Inspiration4.
Deux employées de Spacex feront partie du voyage. La première, Sarah Gillis, est chargée de l'entraînement des astronautes pour l'entreprise et avait entraîné Jared Isaacman pour Inspiration4.
La seconde, Anna Menon, a pour sa part travaillé pour la NASA avant de rejoindre SpaceX: "J'ai passé des années à essayer de me mettre dans la peau des astronautes dans l'espace, j'ai vraiment hâte de l'expérimenter moi-même", a confié cette médecin.
Le quatrième passager et pilote de la mission est un proche de Jared Isaacman: Scott Poteet est retraité de l'armée de l'air américaine.