Près du village de Frick en Argovie, Ben Pabst fouille méticuleusement une ancienne carrière d'argile. Avec son équipe, ce paléontologue dégage des ossements de platéosaure. Ce dinosaure herbivore fait entre 6 et 8 mètres de long et est vieux de 210 millions d'années.
"A l'origine, durant la période du Trias (-237 à -201 millions d'années), la zone de fouille de Frick était un lac salé. Une région qui se transformait en marécage de boue durant les périodes de sécheresse. Des dinosaures s'y embourbaient. Certains sont morts coincés, d'autres noyés", explique le chasseur de dinosaures le plus connu de Suisse. Ce paléontologue indépendant travaille avec les universités suisses et de nombreux musées en Europe.
En Suisse, les fossiles de dinosaures trouvés sur le territoire ne peuvent pas être vendus aux enchères. Ils appartiennent aux cantons. Ce sont les universités et les musées qui paient les recherches.
Un business aux Etats-Unis
Mais Ben Pabst fouille également aux Etats-Unis, où les ossements de dinosaures sont un véritable business. Sur des parcelles privées, toutes les découvertes reviennent au propriétaire du terrain. Les chasseurs de dinosaures louent ces parcelles ou passent des accords avec les propriétaires pour répartir les bénéfices en cas de découvertes.
Cette traque aux fossiles se déroule surtout dans le Dakota, le Wyoming et le Montana. "Les chasseurs de dinosaures, dans l'imaginaire populaire, ce sont des personnes qui font la course aux fossiles, prêts à tout pour trouver un ossement afin de le revendre. Certes, ce type de personnes existe, mais il y a également beaucoup d'équipes très professionnelles. Des gens qui travaillent de manière scientifique et qui ont fait des découvertes essentielles en collaboration avec des musées ou des universités."
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Un demi-million pour un dinosaure
Dans le prix d'un dinosaure, les fouilles ne représentent qu'une petite partie des coûts. Ce qui est cher, c'est la restauration en laboratoire. Au cœur de la France se trouve l'un des acteurs les plus importants du marché des dinosaures, Eldonia.
Cette entreprise redonne vie aux fossiles. Son patron est un homme passionné. François Escuillié, paléontologue indépendant, aime se décrire comme un chasseur de dinosaures, dresseur de mammouths. "Le prix d'une fouille pour un hadrosaure trouvé aux Etats-Unis, c'est environ 200'000 dollars. Il faut ajouter le double du prix pour le travail de restauration."
Le prix de vente d'un hadrosaure est d'au minimum 400'000 à 500'000 euros
L'hadrosaure, c'est un dinosaure herbivore de 8 à 10 mètres de long avec une sorte de bec de canard. Le travail de restauration consiste à nettoyer les fossiles bruts, compléter les pièces manquantes avec des impressions 3D et des moulages. Un travail entre la science et l'art qui demande des mois de patience. L'entreprise Eldonia emploie une dizaine de collaborateurs à plein temps.
"Le prix de vente d'un hadrosaure est d'au minimum 400'000 à 500'000 euros. Cela peut monter en fonction du pourcentage d'ossements véritables qui le compose", explique François Escuillié, qui dépense sans compter. Le Français achète sans cesse de nouveaux fossiles. Sur ces étagères, des milliers d'ossements bruts. Ils viennent des montagnes de l'Atlas ou des plaines du Dakota.
L'érosion, le plus grand danger
La passion de François Escuillié est sans limites. Ce fou de dinosaures travaille dans une zone grise. Le paléontologue a été épinglé par les douanes. En 2022, il a dû restituer au Brésil près de 1000 fossiles importés illégalement. De nombreux pays interdisent l'exportation de fossiles. Une mesure qui vise à sauvegarder des objets considérés comme un patrimoine national par certains Etats.
Le plus grand danger pour les fossiles est ailleurs. Les squelettes de dinosaures disparaissent surtout à cause de l'érosion naturelle. De nombreux fossiles sont détruits également par l'exploitation industrielle du sous-sol. Un exemple souvent cité par les paléontologues: les mines de phosphate. Elles foisonnent de squelettes de dinosaures, mais ces fossiles ne sont pas toujours détectés. L'exploitation industrielle de ces mines de phosphate implique que ces trésors disparaissent, et finissent parfois sous forme d'engrais.
Une perte pour la science, mais aussi financière. Le prix d'un tyrannosaure peut s'envoler à plusieurs dizaines de millions. Cette année, un stégosaure, un herbivore géant a battu tous les records avec un prix de 44 millions de dollars. La ruée vers l'os n'est pas près de s'arrêter.
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François Ruchti