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Quand une infection virale déclenche une maladie auto-immune

Maladies auto-immunes : la faute aux virus ?
Maladies auto-immunes : la faute aux virus ? / 36.9° / 22 min. / le 21 février 2024
Les virus sont de plus en plus accusés d’être les déclencheurs de maladies auto-immunes chez des personnes prédisposées génétiquement. En janvier 2022, une vaste étude démontre par exemple que l’infection par le virus Epstein-Barr est fortement associée au déclenchement de la sclérose en plaques. En limitant ces infections virales par des vaccins ciblés, serait-il possible de prévenir certaines maladies auto-immunes?

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune, à savoir que les cellules du système immunitaire se trompent et attaquent certaines cellules du cerveau et de la moelle épinière. Cela endommage la myéline, cette protection isolante qui entoure la plupart des nerfs du corps. 

Cette dégradation de la myéline ralentit la conduction de l’influx nerveux entre les neurones. Selon la localisation des lésions, cette perte de myéline provoque une atteinte de la vision, des troubles de l’équilibre, de la marche, de la sensibilité, mais aussi des problèmes cognitifs.

La maladie du baiser, aussi appelée la maladie des amoureux, s'appelle ainsi parce que c'est un virus qui se transmet par la salive. Quand on est enfant, c'est un virus généralement bénin. Quand on est plus âgé, il peut faire cette mononucléose infectieuse qui est une maladie qui va guérir. Mais il peut rester latent, donc caché, discret dans les ganglions

Prof. Gilbert Greub, microbiologiste au CHUV-UNIL

Depuis 20 ans, les traitements ont permis de limiter les poussées et de ralentir la progression de la maladie. Aujourd’hui, la recherche se focalise sur ce qui déclenche cette maladie auto-immune. Une interaction entre des facteurs génétiques, notamment les gènes qui déterminent la manière dont on réagit à une maladie et des facteurs environnementaux comme la carence en vitamine D, l’exposition au tabac, l’alimentation.

Mais le facteur majeur sur lesquels les scientifiques se penchent est l’infection par le virus Epstein-Barr. Ce virus circule largement et incognito pendant l’enfance. Mais à l’adolescence, l’infection peut être plus sévère.

Epstein-Barr et sclérose en plaques

"La maladie du baiser, aussi appelée la maladie des amoureux, s'appelle ainsi parce que c'est un virus qui se transmet par la salive, donc en fait, on se le transmet quand on fait les premiers becs. Et c'est un virus qui est finalement très prévalent parce qu'on s'échange souvent de la salive et on peut s'exposer, même les petits enfants peuvent l'avoir. Quand on est enfant, c'est un virus généralement bénin. Quand on est plus âgé, il peut faire cette mononucléose infectieuse qui est une maladie qui va guérir – qui se caractérise par une angine, des gros ganglions, de la fièvre, et pour lequel on n'a pas un traitement spécifique. Mais il peut rester latent, donc caché, discret dans les ganglions", explique le prof. Gilbert Greub, microbiologiste au CHUV-UNIL.

En janvier 2022, une vaste étude épidémiologique publiée dans Science démontre que l’infection par le virus Epstein-Barr est fortement associée au déclenchement de la sclérose en plaques. Les scientifiques s’appuient sur une cohorte de 10 millions de personnes de l’armée américaine suivies sur une période de 20 ans avec l’accès à plus de 60 millions d’échantillons sanguins.

Le virus Epstein-Barr peut être maintenant considéré comme une cause nécessaire, mais non suffisante pour développer la sclérose en plaques 

Prof. Renaud Du Pasquier, Neurologue , CHUV-UNIL

Cette étude a mis en évidence que sur 10 millions de militaires, 801 personnes ayant développé la sclérose en plaques étaient quasi toutes, sauf une, infectées par le virus Epstein-Barr. Les scientifiques ont regardé précisément 35 d’entre elles qui au début de l’étude n’étaient pas infectés par le virus. À partir du moment où ces personnes ont été infectées par Epstein-Barr, elles présentent les premiers signes d’une attaque du système nerveux visibles dans le sang.

Jens Kühle, neuro-immunologue à l’hôpital universitaire de Bâle, a participé à cette étude avec les scientifiques américains: "Nous pouvons détecter dans le sang si les nerfs sont endommagés grâce à la présence de neurofilaments. Il est intéressant de voir que chez ces patients, ces neurofilaments ont augmenté peu de temps après l'infection par le virus Epstein-Barr. Cela ajoute une preuve supplémentaire du rôle du virus Epstein-Barr dans la sclérose en plaques."

Renaud Du Pasquier, spécialiste de la sclérose en plaques, suit cette piste du virus depuis 20 ans. "Le virus Epstein-Barr peut être maintenant considéré comme une cause nécessaire, mais non suffisante pour développer la sclérose en plaques. Tant que le patient n’est pas infecté, ça se passe bien, le jour où il est infecté, ça met en branle une cascade d'événements improbables qui aboutissent à la sclérose en plaques."

Un vaccin contre Epstein-Barr pour protéger la population contre la sclérose en plaques ?

Depuis 2022, quatre laboratoires ont annoncé différents candidats vaccin contre le virus Epstein-Barr. Steve Pascolo, spécialiste des vaccins à ARN, explique la raison de ce regain d'intérêt: "Plus on connaît les conséquences de l’infection par EBV, plus développer un vaccin est intéressant. Maintenant qu'on sait qu'il est associé à certaines maladies comme la sclérose en plaques, développer un vaccin devient beaucoup plus important pour protéger la population."

Plus on sait les conséquences de l’infection par EBV, plus développer un vaccin est intéressant 

Prof. Steve Pascolo, immunologue, Hôpital universitaire de Zurich

Pour Maryne, qui est atteinte de sclérose en plaques, ce n’est pas une révolution, mais un espoir pour les futures générations: "Je vais être honnête, ça ne va pas changer ma vie. Cependant, je trouverais génial qu'on puisse trouver quelque chose, un vaccin par exemple, qu'on pourrait donner aux plus jeunes et qui pourrait justement éviter la mononucléose. En tous les cas, quelque chose qui ferait en sorte qu'il y ait moins de sclérose en plaques."

Reportage TV: Cécile Guérin et Pascal Magnin

Adaptation web: Gaëlle Bisson

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Coxsackie B et diabète de type 1

Le Coxsackie B, de la famille des entérovirus, est le principal suspect dans ce dérèglement du système immunitaire entraînant le diabète chez des personnes prédisposées génétiquement. "Il y a des études récentes qui montrent qu’une infection avant l'âge d’une année met l’enfant à risque de développer le diabète de type 1 plus tardivement. Un vaccin pourrait donc prévenir l’apparition du diabète, mais pour le moment ce vaccin n’est pas disponible.

D'autres moyens de prévention sont envisagés au début du dérèglement auto-immunitaire, avant que le diabète ne soit établi. Cela implique de dépister des jeunes à risque. Un nouveau traitement qui peut prévenir le développement du diabète est en effet disponible, le Teplizumab. Mais il faut le donner avant que les symptômes apparaissent", commente la professeure Valérie Schwitzgebel, diabétologue pédiatrique aux HUG.

Un vaccin pourrait donc prévenir l’apparition du diabète, mais pour le moment ce vaccin n’est pas disponible. D'autres moyens de prévention sont envisagés au début du dérèglement auto-immunitaire, avant que le diabète ne soit établi

Prof. Valérie Schwitzgebel , diabétologue pédiatrique , HUG

Autorisée aux Etats Unis, cette immunothérapie préservant les cellules productrices d'insuline a retardé de 3 ans en moyenne la survenue du diabète. L’espoir à terme c’est que le dérèglement immunitaire soit enrayé et le diabète évité.