Cela fait presque cent ans qu'un nouveau genre botanique n'avait été décrit! Celui-ci fait partie de la famille des Thismiaceae, connue sous le joli nom de "lanternes de fées" pour ses fleurs en forme de cloches ou d'urnes; ces plantes vivent "principalement dans les régions tropicales et s'étendent aux régions subtropicales et tempérées", apprend-on dans le résumé de l'étude publiée le 29 février dans le Journal of Plant Research.
Cette curieuse plante, ressemblant un peu à un petit calamar, ne fait pas plus de trois centimètres de haut et deux de large. Elle possède la particularité de ne pas pratiquer la photosynthèse mais se nourrit de mycélium fongique, soit de champignons enfouis dans le sol. Les membres de la famille des Thismiaceae sont souvent cachés sous les feuilles mortes et ne produisent de fleurs aériennes, qui semblent être soufflées en verre, que pendant une brève période.
Le nom japonais des Thismia, l'un des principaux groupes de cette famille, est Tanuki-no-shokudai, ce qui signifie "chandelier du chien viverrin" et fait référence à la fois à leur forme et à leur mode de vie souterrain. Ces végétaux sont extrêmement rares et difficiles à trouver: "À l'heure actuelle, une centaine d'espèces de cette famille ont été identifiées, dont près de la moitié ne sont connues que depuis leur première découverte, parfois à partir d'un seul spécimen", remarque Kenji Suetsugu, botaniste à l'Université de Kobe et expert de renommée internationale en matière de plantes non photosynthétiques, dans un communiqué de l'institution.
La recherche aidée par les dilettantes
Le chercheur a rendu hommage aux personnes pratiquant la botanique en dilettantes qui ont accès à des zones isolées du pays. Cela fait longtemps qu'il collabore avec elles: "Le dévouement des chercheurs amateurs japonais à révéler la flore cachée de ces régions a joué un rôle crucial dans l'identification d'espèces inconnues de la science".
Il a ainsi mené l'enquête lorsqu'il a reçu un spécimen de lanterne de fée qu'un botaniste amateur avait trouvé: un expert local pensait qu'il représentait une nouvelle espèce du genre Tanuki-no-shokudai. Il lui est rapidement apparu "que cette plante n'était incluse dans aucun des genres existants (comme Thismia) en raison de ses caractéristiques uniques, et qu'il était nécessaire d'obtenir des individus supplémentaires pour un examen plus approfondi". Un an après la découverte, les scientifiques ont trouvé quatre autres plantes, poussant toutes dans une zone étroite de Kimotsuki, dans la préfecture de Kagoshima, tout au sud du pays.
Après des analyses morphologiques et génétiques, l'équipe de recherche a conclu que cette plante n'était pas seulement une nouvelle espèce, mais qu'elle était suffisamment différente du genre Tanuki-no-shokudai pour en constituer un à part entière – soit le niveau de parenté immédiatement supérieur à l'espèce. Les scientifiques estiment que cette plante a probablement divergé à un stade précoce de l'évolution de l'ensemble de la famille des Thismiaceae et qu'elle conserve des caractéristiques communes à la famille qui ont été perdues dans le genre Thismia.
Relictithismia kimotsukiensis a probablement divergé à un stade précoce de l'évolution de l'ensemble de la famille et conserve des caractéristiques ancestrales; cette histoire se reflète dans son nom (lire encadré).
Une plante qui se nourrit de champignons et dont la propagation locale est si limitée est exceptionnellement vulnérable aux changements environnementaux, ce qui motive Kenji Suetsugu à persévérer: "Une partie de nos recherches futures sera consacrée à des études écologiques visant à décrypter les interactions entre Relictithismia et ses hôtes fongiques, ainsi qu'à évaluer l'impact des altérations environnementales sur ces associations". Une fleur de plus à protéger!
Stéphanie Jaquet
Une taxonomie évocatrice du passé
Kenji Suetsugu a choisi de nommer cette nouvelle plante Mujina-no-shokudai, ou "chandelier du blaireau": "mujina" est un vieux mot japonais désignant un blaireau, mais il est aussi parfois utilisé pour désigner le chien viverrin, auquel il ressemble mais dont il est différent.
Le nom reflète donc la relation de la plante avec le Thismia. Le nom latin Relictithismia kimotsukiensis est similaire, puisqu'il peut être traduit par "relique de Thismia de Kimotsuki", le lieu où ce végétal si particulier a été trouvé.
"Le Japon est l'une des régions du monde où les études botaniques sont les plus avancées, ce qui rend la trouvaille de nouvelles espèces végétales extrêmement rare, et la découverte d'un nouveau genre encore plus rare", note le botaniste. La dernière mise au jour d'une nouvelle plante vasculaire identifiée simultanément comme un genre distinct a été la découverte du Japonolirion en 1930, il y a presque 100 ans.
Et Kenji Suetsugu d'affirmer: "Cette recherche pourrait suggérer que de nombreuses autres nouvelles espèces se cachent dans des régions que l'on croyait bien étudiées et souligne le besoin crucial d'explorer et d'étudier en permanence la flore de la planète, tant à l'étranger que chez nous".