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Un trou noir atypique débusqué dans la Voie lactée

Le trou noir stellaire le plus massif de notre galaxie (hormis Sgr A*) a été découvert grâce au mouvement d'oscillation qu'il induit sur une étoile compagnon. Cette image d'artiste montre les orbites de l'étoile et du trou noir, baptisé Gaia BH3, autour de leur centre de masse commun. L'oscillation a été mesurée pendant plusieurs années par la mission Gaia (ESA). Des données supplémentaires provenant d'autres télescopes, notamment le VLT de l'ESO au Chili, ont confirmé que la masse de ce trou noir est 33 fois supérieure à celle de notre Soleil. La composition chimique de l'étoile compagnon suggère que le trou noir s'est formé après l'effondrement d'une étoile massive contenant très peu d'éléments lourds, ou métaux, comme le prévoit la théorie. [ESO - L. Calçada]
Un trou noir atypique débusqué dans la Voie lactée / Le Journal horaire / 20 sec. / le 16 avril 2024
Le télescope spatial européen Gaia, dédié à la cartographie de la Voie lactée, a découvert un trou noir d'une masse record: 33 fois celle du Soleil. Du jamais vu dans notre galaxie, indique une étude parue mardi.

L'objet baptisé Gaia BH3, situé à 2000 années-lumière de la Terre, dans la constellation de l'Aigle, appartient à la famille des trous noirs stellaires qui résultent de l'effondrement d'étoiles massives en fin de vie. Ils sont incomparablement plus petits que les trous noirs supermassifs logés au cœur des galaxies, dont le scénario de formation n'est pas connu. A noter que le trou noir le plus massif de la Voie lactée est celui qui se trouve en son centre: Sagittarius A* mesure environ 4 millions de fois la masse du Soleil.

C'est "par hasard" que Gaia BH3 a été déniché, raconte Pasquale Panuzzo, chercheur CNRS à l'Observatoire de Paris-PSL, principal auteur des travaux publiés dans Astronomy & Astrophysics Letters.

Les scientifiques du consortium Gaia étaient en train de défricher les dernières données de la sonde, en vue de la publication du prochain catalogue en 2025, lorsqu'ils sont tombés sur un système d'étoiles binaires particulier: "On voyait une étoile un peu plus petite que le Soleil – 75% de sa masse environ – et plus brillante, qui tournait autour d'un compagnon invisible", repérable par les perturbations qu'il lui fait subir, explique le scientifique, responsable-adjoint du traitement spectroscopique de Gaia.

Le télescope spatial donnant la position très précise des étoiles dans le ciel, les astronomes ont pu caractériser les orbites et mesurer la masse du compagnon invisible de l'étoile: 33 fois celle du Soleil.

Comparaison de trois trous noirs stellaires de notre galaxie: Gaia BH1, Cygnus X-1 et Gaia BH3, dont les masses sont respectivement de 10, 21 et 33 fois celle du Soleil. Les rayons des trous noirs sont directement proportionnels à leur masse, mais il convient de noter que les trous noirs eux-mêmes n'ont pas été directement imagés. [ESO - image d'artiste: M. Kornmesser]
Comparaison de trois trous noirs stellaires de notre galaxie: Gaia BH1, Cygnus X-1 et Gaia BH3, dont les masses sont respectivement de 10, 21 et 33 fois celle du Soleil. Les rayons des trous noirs sont directement proportionnels à leur masse, mais il convient de noter que les trous noirs eux-mêmes n'ont pas été directement imagés. [ESO - image d'artiste: M. Kornmesser]

Une détection très difficile

Des observations plus poussées de télescopes au sol ont confirmé qu'il s'agissait bien d'un trou noir, d'une masse bien plus importante que celle des trous noirs d'origine stellaire déjà connus dans la Voie lactée – entre 10 et 20 masses solaires. De tels mastodontes ont déjà été détectés dans des galaxies lointaines, via les ondes gravitationnelles. Mais "jamais dans la nôtre", selon le Dr Panuzzo.

Gaia BH3 est un trou noir "dormant": il est trop éloigné de son étoile compagnon pour lui arracher sa matière et n'émet donc aucun rayonnement X, ce qui rend sa détection extrêmement difficile.

Le télescope Gaia a réussi à débusquer les deux premiers trous noirs inactifs de la Voie lactée, mais ceux-ci ont des masses standard. Ils ont été nommés Gaia BH1 et Gaia BH2.

La sonde Gaia de l'ESA a découvert trois trous noirs (BH, pour Black Hole) dans notre Voie lactée. [ESA - Gaia]
La sonde Gaia de l'ESA a découvert trois trous noirs (BH, pour Black Hole) dans notre Voie lactée. [ESA - Gaia]

Contrairement au Soleil, la petite étoile du système binaire de BH3 est "très pauvre en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium", explique l'Observatoire de Paris dans un communiqué.

"Selon la théorie, seules ces étoiles pauvres en métaux peuvent former un trou noir aussi massif", relève le Dr Panuzzo. L'étude suggère donc que le "progéniteur" du trou noir était une étoile massive elle aussi pauvre en métaux.

L'étoile du système, âgée de 12 milliards d'années, "vieillit très lentement", quand celle qui a formé le trou noir "n'a vécu que 3 millions d'années", décrit-il. "Ces étoiles pauvres en métaux étaient très présentes au début de la galaxie. Leur étude nous donne des informations sur sa formation", ajoute le scientifique.

Autre curiosité du couple stellaire: dans le disque de la Voie lactée, il tourne dans le sens contraire des autres étoiles. "Peut-être parce que le trou noir se serait formé dans une autre galaxie plus petite, qui aurait été mangée au début de la vie de la Voie lactée", avance-t-il.

>> Ecouter l'astrophysicien Laurent Eyer, maître dʹenseignement et de recherche au Département dʹAstronomie de l'UniGE et membre exécutif de la mission Gaia :

La mission Gaia a été envoyé dans l'espace le 19 décembre 2013. Depuis, elle observe la Voie lactée. [CC BY-SA 3.0 IGO. Acknowledgement: A. Moitinho. - Spacecraft: ESA/ATG medialab; Milky Way: ESA/Gaia/DPAC]CC BY-SA 3.0 IGO. Acknowledgement: A. Moitinho. - Spacecraft: ESA/ATG medialab; Milky Way: ESA/Gaia/DPAC
Le télescope spatial Gaia détecte un trou noir géant dans notre galaxie / CQFD / 9 min. / le 17 avril 2024

La sonde Gaia de l'agence spatiale européenne (ESA), qui opère à 1,5 million de kilomètres de la Terre depuis dix ans, a livré en 2022 une carte en 3D des positions et des mouvements de plus d'1,8 milliard d'étoiles.

>> Lire aussi : Le trou noir supermassif au centre de notre galaxie enfin photographié

sjaq et l'afp

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