Une étude publiée dans le Lancet s'inquiète d'une baisse de la fécondité mondiale
Plus de la moitié des pays observent déjà un taux de fécondité trop faible pour maintenir le niveau de leur population, soit en dessous de 2,1 naissances vivantes par femme, observe cette étude publiée mercredi dans la revue scientifique The Lancet. "À l'avenir, les taux de fécondité vont continuer à décliner à travers le monde", ajoute le document.
Sur la base des données connues, les chercheurs et chercheuses du Global Burden of Disease, un vaste programme de recherche financé principalement par la fondation américaine Bill&Melinda Gates, ont cherché à prévoir l'évolution en fonction de nombreuses variables prédictives, comme les niveaux d'éducation ou la mortalité infantile.
Ils concluent que d'ici 2050, trois quarts des pays auront un taux insuffisant pour maintenir leur population. Et en 2100, 95% des pays pourraient être concernés.
Un déséquilibre accru entre le Nord et le Sud
Les chercheurs prévoient par ailleurs que la population des pays pauvres continuera longtemps à augmenter, notamment en Afrique subsaharienne, alors qu'elle baissera plus rapidement dans les pays développés. Ce déséquilibre risque aussi, selon eux, d'avoir "des conséquences considérables sur les plans économique et social".
"De nombreux pays à faible revenu et à plus forte fécondité seront confrontés à des sécheresses, des inondations et des chaleurs extrêmes de plus en plus fréquentes (...) Par exemple, le GIEC prévoit des baisses substantielles des rendements agricoles dans de nombreux contextes à faible revenu", écrivent les chercheurs.
"La pénurie de nourriture et de ressources, ainsi que plusieurs autres problèmes, notamment le long héritage du colonialisme, contribuent à l'instabilité politique et aux problèmes de sécurité dans certaines zones vulnérables", ajoutent-ils dans leurs conclusions.
Des politiques plus ou moins efficaces
"Les changements extrêmes dans la répartition mondiale des naissances vivantes peuvent être partiellement atténués par une meilleure éducation des femmes et l'accès à la contraception moderne", les principaux facteurs déterminant la natalité, soulignent-ils.
Ce travail s'inscrit dans un contexte où nombre de pays européens s'inquiètent de l'évolution de leur population. L'étude s'intéresse ainsi à l'impact de politiques natalistes à base d'incitations financières. Elle observe que celles-ci ne réhaussent jamais la fécondité au-dessus du taux de reproduction, mais peuvent éviter de tomber à des niveaux extrêmement bas.
Aussi des aspects positifs
Les prévisions de l'étude doivent être prises avec précaution, soulignent des chercheurs de l'Organisation mondiale de la santé dans le même numéro du Lancet.
Ils critiquent plusieurs choix de méthodologie, soulignant notamment la faiblesse des données actuellement disponibles dans nombre de pays pauvres. Et sur le fond, "il faut privilégier la nuance et non le sensationnalisme" quand on parle de ce sujet, estiment-ils.
Ils soulignent aussi qu'un tel phénomène peut présenter des avantages (environnement, alimentation), comme des inconvénients (santé, emploi). Ils notent surtout qu'il n'y a "pas de manière évidente" d'agir dessus.
jop avec ats
Des changements démographiques qui auront des effets sur les sociétés
Les changements de fécondité auront de profonds effets sur la répartition des âges dans les populations, estiment les chercheurs.
"Pour presque tous les pays et territoires en dehors de l'Afrique subsaharienne, (...) les changements dans la structure par âge sont susceptibles de présenter des défis économiques considérables en raison d’un taux de dépendance croissant entre la population âgée et la population en âge de travailler", écrivent-ils.
Ce changement démographique devra notamment pousser les programmes de sécurité sociale, comme les assurances maladie, les systèmes de retraites ou les infrastructures de soins de santé, à se réinventer.
Des taux de fécondité durablement faibles pourraient également entraîner des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs. Les chercheurs estiment ainsi que l'immigration jouera un rôle crucial dans l'activité économique des pays les plus riches, mais que "cette approche ne fonctionnera que s’il y a un changement dans les attitudes publiques et politiques actuelles à l’égard de l’immigration."