Résumé de l’article

  • Blue Origin annule le lancement inaugural de sa fusée géante New Glenn en raison de problèmes techniques non spécifiés lors du compte à rebours.
  • Cette annulation repousse la tentative de Blue Origin de concurrencer SpaceX sur le marché du lancement de satellites et d'atteindre l'orbite.
  • New Glenn, fusée de 98 mètres de haut, vise à transporter jusqu'à 45 tonnes en orbite basse et à être partiellement réutilisable.
  • Blue Origin contrainte de reporter le lancement de sa fusée New Glenn

    Blue Origin annule le lancement de sa fusée New Glenn en raison de problèmes techniques non spécifiés. Cape Canaveral Space Force Station, Floride, le 13 janvier 2025. [KEYSTONE - CRISTOBAL HERRERA-ULASHKEVICH]
    Blue Origin annule le lancement de sa fusée New Glenn en raison de problèmes techniques non spécifiés. Cape Canaveral Space Force Station, Floride, le 13 janvier 2025. - [KEYSTONE - CRISTOBAL HERRERA-ULASHKEVICH]
    Après un report dimanche dû à la météo, Blue Origin a annulé lundi le vol inaugural de sa fusée géante New Glenn dans les derniers moments du compte à rebours. Des problèmes techniques non spécifiés ont été évoqués par la société de Jeff Bezos.

    La société américaine Blue Origin, fondée par le patron d'Amazon Jeff Bezos, a annulé le lancement de sa fusée New Glenn après "quelques anomalies", lors du compte à rebours de la mission lundi, reportant d'au moins une journée une tentative inaugurale d'atteindre l'orbite et de concurrencer SpaceX sur le marché du lancement de satellites.

    Le lanceur était posé sur le pas de tir de Blue Origin à la station spatiale de Cap Canaveral, prêt pour un décollage initialement prévu à 1h du matin, heure de Floride (7h en Suisse), après avoir été alimenté avec des ergols de méthane et d'oxygène liquide.

    Mais dans les derniers moments du compte à rebours, Blue Origin a repoussé à plusieurs reprises l'heure du décollage, se rapprochant ainsi de la fin de la fenêtre de lancement de New Glenn, à 4h du matin en Floride. "Nous abandonnons la tentative de lancement pour résoudre un problème de sous-système du véhicule qui nous conduirait au-delà de notre fenêtre de tir", a indiqué Ariane Cornell, une dirigeante de Blue Origin, lors d'une retransmission en direct à laquelle assistaient des centaines de milliers de personnes.

    "Nous étudions les possibilités pour notre prochaine tentative de lancement": un retard qui pourrait être d'au moins 24 heures, mais qui durera vraisemblablement plus longtemps, le temps que la société examine le problème pour cette mission à haut risque et aux enjeux considérables.

    La veille, le vol inaugural avait été reporté en raison de mauvaises conditions météorologiques.

    >> Lire : Le vol inaugural de la fusée New Glenn, de Jeff Bezos, doit être reporté

    Objectif orbite

    Cette fusée – qui a demandé des années de conception et dont le lancement a été déjà reporté de multiples fois – mesure 98 mètres, soit la taille d'un immeuble d'environ trente étages (lire encadré). Son objectif est clair: "Atteindre l'orbite. Tout ce qui va au-delà est un bonus", avait vanté David Limp, le PDG de Blue Origin.

    Décolage d'une fusée de type New Shepard de Blue Origin le 19 juin 2016 [Blue Origin/Wikipedia]
    Décolage d'une fusée de type New Shepard de Blue Origin le 19 juin 2016 [Blue Origin/Wikipedia]

    Si la société emmène déjà depuis des années des touristes pendant quelques minutes dans l'espace grâce à sa plus petite fusée New Shepard, elle n'a jusqu'ici mené aucun vol en orbite.

    Avec New Glenn, Blue Origin ambitionne de rattraper son grand rival SpaceX, qui appartient à un autre milliardaire américain, Elon Musk. Ce dernier avait d'ailleurs souhaité "bonne chance" à Blue Origin sur le réseau social X.

    L'entreprise du patron de Tesla domine depuis des années le marché commercial spatial avec ses fusées Falcon 9 et Falcon Heavy, et développe aujourd'hui la plus grande fusée jamais créée: Starship.

    Hasard ou non du calendrier, SpaceX entend mener plus tard dans la semaine le septième vol d'essai de sa méga-fusée.

    >> Lire : La fusée géante de SpaceX, troisième vol test de Starship, a été "perdue"

    "Avoir le choix"

    Avec New Glenn, qui est un "lanceur lourd", Blue Origin – depuis sa création en 2000 – voudrait concurrencer SpaceX sur son terrain: le lancement de satellites commerciaux et militaires en orbite, mais aussi de vaisseaux et d'astronautes.

    "C'est une bonne chose d'avoir de la concurrence, d'avoir le choix", insiste George Nield, président d'une entreprise promouvant les activités spatiales privées. "C'est très important pour l'industrie spatiale commerciale, mais aussi pour le gouvernement et la NASA" car cela permet non seulement de baisser les coûts, mais aussi d'offrir un plan B "en cas de problème sur un appareil", dit-il.

    Blue Origin a déjà signé des contrats avec plusieurs clients, dont l'agence spatiale américaine pour une mission non habitée vers Mars, et le gouvernement américain pour des missions de sécurité nationale.

    Côté commercial, elle prévoit de déployer des satellites internet pour plusieurs entreprises. Elle devrait également, comme SpaceX avec Starlink, être chargée du lancement de satellites du groupe Amazon. Jeff Bezos et Elon Musk, les deux hommes les plus riches au monde, se livrent également bataille dans le domaine de l'internet par satellite.

    >> Lire : Face à Elon Musk, l'UE lance son projet Iris² de constellation de satellites et Amazon lance ses premiers satellites pour internet depuis l'espace

    "Prix beaucoup plus bas"

    Les similarités entre les deux géants privés du spatial ne s'arrêtent pas là. Comme la Falcon 9, New Glenn est pensée pour être en partie réutilisable. Lors de cette mission inaugurale qui devait durer environ six heures, Blue Origin comptait tenter de récupérer le premier étage de sa fusée.

    L'entreprise est déjà parvenue à faire se poser sa fusée New Shepard au Texas. Mais cette fois-ci, elle entendait tenter un atterrissage contrôlé sur une barge en mer, une manœuvre similaire à celle réussie par SpaceX avec sa fusée Falcon 9. "Un processus extrêmement compliqué", selon Elliott Bryner, professeur à l'Université aéronautique Embry-Riddle.

    Mais alors que la course à la privatisation et la militarisation de l'espace bat son plein, ce processus qui permet de "réutiliser de grandes parties de fusées" est crucial car il permet à la fois "d'offrir un accès à l'espace à un prix beaucoup plus bas" et d'accélérer la cadence des lancements, pointe-t-il.

    sjaq et les agences

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    Portrait de la fusée New Glenn

    Tout comme New Shepard, la première fusée développée par Blue Origin, New Glenn rend hommage à un célèbre astronaute: John Glenn, le premier Américain à avoir réalisé un vol en orbite autour de la Terre, en 1962.

    Il s'agit d'un lanceur dit lourd, soit une fusée capable de placer en orbite basse des charges utiles lourdes, un terme se référant aux éléments transportés: satellites, engins spatiaux, etc.

    New Glenn doit ainsi pouvoir emporter jusqu'à 45 tonnes en orbite basse. C'est plus du double que pour la Falcon 9 de son grand rival SpaceX, mais c'est moins que la Falcon Heavy (63,8 tonnes), également sur le marché.

    La fusée de Blue Origin possède toutefois "la plus grande capacité d'envoi d'objets de grande taille" en raison de sa tête, plus large que celles des fusées concurrentes, relève Elliott Bryner.

    Couteau suisse

    Pour ces raisons, New Glenn pourrait s'avérer être une fusée couteau suisse, capable de transporter dans des orbites basses comme plus éloignées une grande diversité d'objets, pointent les spécialistes. Comme notamment des satellites commerciaux ou militaires pour le compte de sociétés privées ou de Jeff Bezos lui-même, qui développe comme Elon Musk une constellation de satellites, mais aussi pour le gouvernement américain.

    La fusée pourrait également transporter un vaisseau spatial avec à son bord des astronautes, explique George Nield: "Une autre utilisation potentielle est celle des stations spatiales commerciales", poursuit-il. Avec la retraite de la Station spatiale internationale à l'horizon 2030, la course à la construction dans l'espace est lancée, et New Glenn pourrait y contribuer.

    >> Lire : La station spatiale internationale sera envoyée à la casse par un engin de SpaceX

    En partie réutilisable

    New Glenn est par ailleurs pensée pour être en partie réutilisable. Son premier étage, le propulseur, doit en théorie pouvoir être utilisé au moins 25 fois.

    Pour le réemployer, Blue Origin doit toutefois parvenir à le faire atterrir. Après avoir réussi à faire poser sa première fusée, New Shepard – entièrement réutilisable – sur Terre, elle ambitionne de le tenter cette fois sur une barge dans l'Atlantique. Une manœuvre extrêmement compliquée qui rappelle celles menées depuis des années par SpaceX avec sa fusée Falcon 9, et qui doit permettre de réduire les coûts.

    Hydrogène liquide

    Sur l'aspect purement mécanique, New Glenn est composée d'un premier étage fonctionnant au méthane liquide et d'un second étage à l'hydrogène liquide, un carburant très puissant mais compliqué à employer.

    Sur ce point, elle se démarque de la fusée Falcon 9 de SpaceX, qui emploie du kérosène, plus simple d'utilisation mais moins performant.

    Si les capacités de ces fusées sont comparables sur de nombreux points, en termes techniques, cela revient à comparer "une Ferrari et une Volkswagen", explique William Anderson, professeur d'astronautique à l'université de Purdue, New Glenn étant la voiture de course et Falcon 9 un "monospace fiable".