Résumé de l’article

• Des scientifiques suisses ont découvert un système multi-planétaire insoupçonné avec une Jupiter chaude coexistant avec d'autres planètes, remettant en question les théories existantes.

• Le système WASP-132 comprend une Jupiter chaude, une super-Terre et une planète géante glacée, suggérant une migration vers le centre du système plus douce que prévu après formation des corps dans le disque proto-planétaire.

• Cette découverte, après 18 ans d'observation, pourrait aider à mieux comprendre la formation de notre propre Système solaire et d'autres systèmes exoplanétaires. Et affiner les théories existantes.

Une Jupiter chaude éclaire la formation et la migration de ces planètes géantes

Le système WASP-132 ne contient pas seulement la Jupiter chaude WASP-132b, mais d'autres planètes dont une super-Terre, vue en train de transiter devant l'étoile-hôte orange (de type K), et une planète glacée, WASP-132d (le petit point bleu dans le coin supérieur droit). [UNIGE - Vision d'artiste par Thibaut Roger]
Les Jupiters chaudes, des planètes pas comme les autres / CQFD / 10 min. / hier à 10:06
Les Jupiters chaudes sont des planètes géantes connues, à l'origine, pour orbiter seules à proximité de leur étoile. Mais des scientifiques suisses viennent de découvrir un système planétaire à l'architecture inattendue comprenant au moins trois corps, remettant en cause la théorie de formation et de migration des planètes.

Les Jupiters chaudes mènent une vie nomade: elles se forment loin de leur étoile, là où il y a des gaz et des poussières à accréter, avant de migrer tout près d'elle, vers le centre de leur système, au fil de son évolution. Lors de ce voyage, les scientifiques pensaient que ces géantes gazeuses accrétaient ou éjectaient les autres planètes présentes sur une orbite interne et finissaient par se retrouver seules en scène.

C'était sans connaître WASP-132, un système à l'architecture inattendue: de récentes observations et une nouvelle étude publiée dans Astronomy & Astrophysics, dirigée par l'UNIGE – avec une équipe incluant le Pôle de recherche national PlanetS, les universités de Berne et Zurich ainsi que plusieurs universités étrangères – pourraient définitivement invalider la théorie échafaudée jusqu'à présent.

Situé à 403 années-lumière de nous, le système WASP-132 est bien composé d'une Jupiter chaude qui fait le tour de son étoile en 7 jours et 3 heures, mais il comporte aussi une super-Terre – soit un monde rocheux de six fois la masse de notre planète bleue – qui, elle, frôle l'astre en l'orbitant en seulement 24 heures et 17 minutes. Egalement présente, une planète géante glacée, de cinq fois la masse de Jupiter, qui tourne autour de l'étoile en cinq ans.

Les astronomes ont également repéré, dans une orbite à très longue distance, un compagnon beaucoup plus massif. Il s'agit probablement d'une naine brune, cet objet céleste exotique, sorte d'étoile avortée, dont la masse se situe entre celle d'une planète et d'une étoile: "Un corps qui a sans doute eu un rôle dans la formation de ce système. Nous allons encore devoir le qualifier pour mieux comprendre comment cela a fonctionné", explique à RTSinfo François Bouchy, professeur associé au département d'astronomie de l'UNIGE et coauteur de l'étude.

Une migration douce et calme

"On ne connaît pas de Jupiter chaude dans notre Système solaire et pas non plus de super-Terre, une planète rocheuse comme la nôtre, mais entre deux et dix fois la taille et la masse de celle-ci", précise l'astrophysicien au micro de CQFD. Et elle n'évolue pas dans la zone habitable: "Elle est complètement irradiée par son étoile, à seulement un jour de période orbitale: il n'y a aucune chance que la vie puisse s'y développer".

Jusqu'à présent, les astronomes avaient dénombré plusieurs centaines de Jupiter chaudes, qui semblaient complètement isolées: "Et, depuis quelques années, on a découvert une toute petite poignée qui possèdent aussi une planète interne".

Cette trouvaille remet en question les processus de migration imaginés chaotiques et violents après une formation dans le disque proto-planétaire: "On suppose que les Jupiters chaudes ont dû se former en même temps que les autres planètes et migrer ensemble via un processus calme et dynamiquement doux". Donc sans déstabiliser l'orbite des deux autres planètes.

Les scientifiques ont réussi à calculer la densité de cette planète: son cœur rocheux représente 17 fois celui de la Terre. "Un élément de plus qui explique sa formation au-delà de la limite des glaces, car le gaz s'accrète après cette étape. Il faut une dizaine de fois la masse de la Terre pour commencer à accréter le gaz en migration".

Mieux comprendre notre Système solaire

Après dix-huit ans d'observation de WASP-132 avec de multiples instruments, les scientifiques vont continuer d'effectuer des mesures complémentaires: "On cherche à mieux caractériser certains systèmes-clefs pour contraindre les modèles de formation et d'évolution des planètes, pour avoir une meilleure caractéristique de leur masse, de leur densité, de leur les paramètres, de leurs orbites et de leurs atmosphères".

Des renseignements importants: "Ils permettent de revisiter les modèles de formation de notre propre Système solaire à la connaissance des autres systèmes exoplanétaires. Nous devons ajuster la théorie pour expliquer l'ensemble des systèmes". 

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Stéphanie Jaquet

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Une Jupiter chaude nobelisée

Notre Jupiter, la cinquième planète du Système solaire, se trouve à cinq fois la distance Terre-Soleil – ce que l'astrophysique nomme 5 UA, pour unités astronomiques. "Les Jupiters chaudes vont être à quelques centièmes d'UA, donc cent fois plus proches de leur étoile que n'est Jupiter", précise François Bouchy au micro de CQFD.

Une Jupiter chaude très célèbre est 51 Pegasi b, la première exoplanète de l'Histoire à avoir été détectée le 6 octobre 1995 par le professeur Michel Mayor et Didier Queloz, son étudiant de l'époque. Aussi nommée Dimidium, cette exoplanète orbite autour de l'étoile 51 Peg: les deux scientifiques ont reçu le prix Nobel de physique en 2019 pour cette découverte.

"Ça avait beaucoup questionné la communauté. Il y avait eu beaucoup de débats à l'époque", se souvient l'astrophysicien, "les gens n'imaginaient même pas que ça puisse exister... comment une telle planète pouvait exister si proche de son étoile".

>> Relire : Le prix Nobel de physique attribué aux Romands Michel Mayor et Didier Queloz