A l'époque romaine, la pollution au plomb a fait des ravages sur le QI
A l'aide de données issues de trois carottes de glace prélevées dans l'Arctique, les scientifiques ont calculé les concentrations de plomb dans la Rome antique et leurs effets sur les êtres humains, selon cette étude parue dans la revue américaine PNAS.
Pour obtenir l'argent tant convoité à l'époque romaine, il fallait fondre une grande quantité de minerai – la galène – contenant du plomb.
Avec les techniques de traitement de l'époque, pour chaque once d'argent obtenue, ce processus produisait des milliers d'onces de plomb, dont une grande partie était rejetée dans l'atmosphère.
Selon les résultats de la recherche, plus de 500'000 tonnes de plomb y ont été renvoyées pendant les presque 200 ans d'apogée de l'Empire romain (lire encadré), a indiqué mardi l'Université de Vienne, qui a contribué à ces travaux.
Une pollution au plomb durant 200 ans
Les scientifiques ont examiné la corrélation entre les concentrations de plomb dans le sang et les résultats aux tests d'intelligence (lire encadré). Et leur déduction est que la pollution a probablement coûté aux anciennes populations de la Rome antique deux points et demi à trois points de QI en moyenne sur l'ensemble de l'Empire. Dans les régions minières, la baisse de l'intelligence pourrait même avoir été nettement supérieure.
"Une baisse du QI de deux à trois points ne semble pas énorme, mais si vous l'appliquez à l'ensemble de la population européenne, c'est considérable", note Nathan Chellman, chercheur au Desert Research Institute (DRI) américain, cité dans le communiqué.
Selon l'équipe de recherche, l'intensification de la pollution au plomb pendant près de 200 ans pourrait en outre avoir contribué à la mort d'environ cinq à dix millions de personnes lors de la "peste antonine", probablement une épidémie de variole survenue à la fin du IIᵉ siècle après J.-C.. La chercheuse Sandra Camara-Brugger de l'Université de Bâle a également participé à cette étude dirigée par Joe McConnell au DRI.
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sjaq et l'ats
Brève chronologie
Selon l'étude, la pollution atmosphérique par le plomb a commencé à l'Âge du fer et a atteint son apogée à la fin du IIᵉ siècle avant notre ère, à l'apogée de la République romaine.
Elle a ensuite fortement diminué au cours du Iᵉʳ siècle avant notre ère, pendant la crise de la République romaine, avant d'augmenter vers 15 avant J.-C. à la suite de l'avènement de l'Empire romain.
La pollution par le plomb est restée élevée jusqu'à la peste des Antonins, de 165 à 180 de notre ère, qui a gravement affecté l'Empire romain.
Ce n'est qu'au Haut Moyen-Âge, au début du deuxième millénaire de notre ère, que la pollution par le plomb dans l'Arctique a dépassé les niveaux élevés de l'Empire romain.
Effets du plomb sur la santé humaine
Au XXᵉ siècle, la pollution par le plomb provenait essentiellement des émissions des véhicules utilisant de l'essence au plomb. L'exposition au plomb – particulièrement des enfants nés entre 1950 et 1985 (aux Etats-Unis) – a permis aux scientifiques de suivre l'impact de ce métal lourd sur la santé et le développement cognitif.
"Alors que la pollution par le plomb a diminué au cours des 30 dernières années [aux Etats-Unis, à la suite du Clean Air Act de 1970, ndlr.], il est devenu de plus en plus évident pour les épidémiologistes et les experts médicaux à quel point le plomb est mauvais pour le développement humaine", note Joe McConnell.
Chez les adultes, des niveaux élevés d'exposition au plomb sont liés à la stérilité, l'anémie, la perte de mémoire, les maladies cardiovasculaires, le cancer et à la diminution de la réponse immunitaire, entre autres. Chez les enfants, même de faibles niveaux d'exposition ont été associés à une réduction du QI, à des problèmes de concentration et à une baisse de la réussite scolaire. Selon les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), il n'existe pas de niveau d'exposition au plomb sans risque.