Dix mois après l'immense déception du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, l'issue positive de cette conférence devrait, au-delà des dispositions parfois très techniques qu'elle comporte, redonner des couleurs au processus de négociation onusien sur l'environnement.
"Si Kyoto est entré dans l'histoire comme la ville dans laquelle l'accord sur le climat est né (en 1997), Nagoya restera comme la ville dans laquelle l'accord sur la biodiversité est né", a estimé Ahmed Djoghlaf, secrétaire executif de la Convention de l'Onu sur la diversité biologique (CBD).
Le plan stratégique 2020 fixe en particulier comme objectif une augmentation des aires protégées de la planète: 17% de la surface totale des terres (contre 13% aujourd'hui) et 10% pour la surface totale des océans (contre un peu moins de 1% aujourd'hui).
L'Oncle Sam en grand absent
Les représentants de plus de 190 pays, à l'exception notable des Etats-Unis qui n'ont jamais ratifié la CBD, lancée en 1992 lors du sommet de la Terre à Rio, ont adopté un "plan stratégique" en 20 points pour 2020 visant à freiner le rythme alarmant de disparition des espèces.
Ils se sont également mis d'accord sur un protocole, âprement négocié depuis huit ans, organisant le partage des bénéfices tirés par les industries de la pharmacie et des cosmétiques notamment des ressources génétiques des pays du Sud (animaux, plantes, micro-organismes).
Le Brésil, qui abrite la plus grande partie de l'immense bassin amazonien, où vit 10% de la totalité des espèces connues de la planète, avait insisté sur la nécessité d'arriver à cet accord pour "mettre un terme à la bio-piraterie".
La question de la surpêche
Plusieurs engagements laissent cependant la porte ouverte à des interprétations très larges. Ainsi, l'un des objectifs prône l'"élimination", ou au moins la "réduction progressive" des "subventions néfastes" pour la diversité biologique.
De nombreuses questions demeurent sur son influence concrète sur les innombrables subventions à la pêche, en Europe en particulier, alors que la surpêche de nombreuses espèces est scientifiquement documentée. "70 à 80% des espèces de poissons que nous mangeons" sont pêchées au-delà de leur capacité de reproduction, rappelait l'acteur américain Harrison Ford dans un entretien à l'AFP en début de semaine.
Une espèce d'amphibien sur trois, plus d'un oiseau sur huit, plus d'un mammifère sur cinq sont menacés d'extinction au niveau mondial, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
afp/ats/sbo
Réactions mitigées des ONG
"Le protocole de Nagoya est une réussite historique", a estimé Jim Leape, directeur général de WWF International. Greenpeace de son côté salué "le début de la fin de la bio-piraterie" mais regretté que les gouvernements n'aient pas été "plus courageux" sur les objectifs.
Ce plan, qui n'a pas de caractère légalement contraignant, peut-il avoir un réel impact sur la protection des espèces à travers le monde ? "Même si ce n'est pas une décision légalement contraignante, le message envoyé à tous les pays est 'il faut faire plus'", s'est félicité Russell Mittermeier, président de l'ONG américaine Conservation International.
"Les aires protégées, quelle que soit leur nature, sont le meilleur outil dont nous disposons à ce jour pour protéger la diversité du vivant", a-t-il ajouté, saluant un accord "incontestablement historique".
Les ONG suisses ont de leur côté salué une "percée" faite à Nagoya, dans un communiqué commun de la Déclaration de Berne, Pro Natura et BirdLife Suisse. Elles tirent cependant un bilan en demi-teinte de la conférence.
Les ONG regrettent notamment le fait que "les objectifs de biodiversité 2020 aient été affaiblis et que l'accord contre la biopiraterie comporte encore des failles". Elles dénoncent un texte trop vague et seulement partiellement contraignant.