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Radioactivité: quels sont les risques pour la santé?

Wally Santana
Des personnes évacuées au nord du Japon sont testées: quels risquent encourent-elles vraiment?
Les autorités japonaises ont pris des mesures pour protéger la population de la radioactivité. Quels sont les risques réels pour la population locale? Les Suisses doivent-ils s'inquiéter? Voire arrêter de consommer des produits japonais? Réponses avec François Bochud, physicien, qui dirige l'Institut de radiophysique du CHUV à Lausanne.

- A partir de quel niveau de radiation y a-t-il un danger pour l'homme?
- En réalité, il n'y a pas de seuil en dessous duquel il n'y a aucun danger pour la santé. Quel que soit le niveau de radiation, il y a un risque. La Suisse, comme tous les pays qui exploitent des centrales nucléaires, a accepté de prendre ce risque il y a des années. Mais tout dépend de la dose de rayonnement que l'on reçoit. Plus la dose est forte, plus le risque augmente et plus la probabilité de développer un cancer, notamment, augmente. Une faible exposition aura des effets à long terme: développement de cancer et/ou induction de malformations dans la descendance. Une exposition à haute dose (au-delà de 500 millisieverts, voir encadré technique ci-contre)) aura des effets à court terme: modifications du tissu - rougeur de la peau par exemple - et modification de la formule sanguine.

- Concrètement, quels sont les effets d'une radiation à forte dose?
- Dans l'immédiat, une irradiation aiguë entraînera des nausées, des vertiges et des problèmes de circulation. On peut ensuite distinguer trois stades. A partir d'une dose d'environ 1000 millisieverts, les cellules sanguines du corps humain seront endommagées. Cette modification de la composition du sang, qui apparaît dans les trois semaines après l'irradiation, peut être soignée. Une exposition à plus forte dose, dès 5000 millisieverts, entraînera quant à elle un dysfonctionnement des cellules du système digestif. A partir de ce stade, la mort peut intervenir rapidement. Le troisième stade, qui correspond à une dose de 20'000 millisieverts, touche le système nerveux central.

- Comment se protéger d'un rayonnement radioactif?
- Les autorités japonaises ont très bien réagi en organisant des évacuations et en recommandant aux gens de rester confinés chez eux. C'est la seule chose qu'il y avait à faire. Pendant le passage d'un nuage radioactif, il faut rester à l'intérieur. Et si des vêtements étaient contaminés, il faut les jeter. Il existe en réalité peu de façon de se protéger.

- Les capsules d'iodure sont-elles efficaces?
- Oui, l'effet chimique de ces capsules est prouvé, avec une efficacité de 90%. Le principe consiste à inonder l'organisme avec de l'iode non irradié. Saturée, la thyroïde va bloquer l'ingestion d'iodine radioactive et l'évacuer par les urines, naturellement. Il restera évidemment une infime dose radioactive dans le corps, mais le pire aura été évité. En Suisse, les réserves de comprimés d'iodure sont suffisantes. Il ne sert à rien de prendre ces capsules d'iodure trop tôt. Ces médicaments n'offrent une protection que s'ils sont pris au bon moment, selon les indications des autorités sanitaires. Et ils ne protègent pas de tous les éléments radioactifs.

La centrale de Mühleberg a un fonctionnement semblable à celle de Fukushima, au Japon. [KEYSTONE - Gaetan Bally]
La centrale de Mühleberg a un fonctionnement semblable à celle de Fukushima, au Japon. [KEYSTONE - Gaetan Bally]

- Faut-il arrêter de consommer des produits importés du Japon?
- Non, il n'y a aucune raison d'arrêter de consommer ces produits. Au Japon, les courants partent en direction de l'est, entraînant avec eux le nuage radioactif. Exception faite de la zone immédiate de la centrale de Fukushima, il n'y a pas eu de dépôt radioactif sur le sol japonais.

- Quid des poissons?
- Je ne me fais aucun souci pour les poissons! L'eau est mille fois plus dense que l'air: on est donc bien mieux protégé sous l'eau qu'à l'air libre. Les particules radioactives sont extrêmement diluées. De toute façon, des contrôles vont avoir lieu, en Suisse comme ailleurs. Nous collaborons déjà avec l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

- Dans les mois à venir, faudra-t-il hésiter avant d'acheter un appareil photo Canon ou Nikon?
- Je ne pense pas. Les Japonais sont des gens sérieux et des commerçants avisés. Ils n'exporteraient pas des produits contaminés. Et de toute façon, les éventuels éléments radioactifs seraient en quantité négligeable.

- Les voyageurs qui rentrent du Japon doivent-ils aller consulter un médecin?
- Personnellement, à moins d'avoir été à proximité de la centrale de Fukushima, je n'irais pas consulter.

- La Suisse est-elle préparée à affronter une catastrophe comme celle qui frappe le Japon?
- Je pense qu'on n'est jamais prêt pour un événement pareil. Il est impossible de tout maîtriser et nous devons rester modestes face à nos possibilités d'action. Notre mode de vie a un coût, il faut bien l'assumer. Si les réacteurs de la centrale de Mühleberg connaissaient ce type de dysfonctionnements, la Suisse devrait suivre l'exemple japonais: se comporter de manière coordonnée et suivre les instructions des autorités. Un plan d'urgence a été élaboré et la Centrale nationale d'alarme (CENAL) informerait la population.

Propos recueillis par Rachel Antille

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Danger des rayons et valeurs limites

La centrale nucléaire japonaise de Fukushima 1 a laissé échapper de la radioactivité dans l'atmosphère. Voici quelques informations sur les dangers de ces rayons et les valeurs limites admises.

- La radioactivité se mesure en sievert (symbole Sv), sur la base du système international d'unités (SI). 1 sievert = 1000 millisievert (mSv) = 1'000'000 microsievert.

- D'après les données du gouvernement japonais, des valeurs de 400 mSv par heure ont été mesurées à la centrale de Fukushima, soit des valeurs plusieurs milliers de fois supérieures à celles prévalant avant l'explosion survenue au niveau du réacteur 4. Le Japon a ensuite diffusé des chiffres plus bas.

La valeur de 400 mSv correspond à 20 fois celle admise annuellement pour un employé de l'industrie nucléaire. Jusque vers 20h00 locales mardi (midi en Suisse), l'entreprise responsable de la centrale de Fukushima, Tepco, évaluait la radioactivité à 100 mSv.

- Lors de la catastrophe de Tchernobyl, il y a 25 ans, un rayonnement de 350 mSv avait poussé les autorités à évacuer la population de la zone concernée.

- En Suisse, un être humain est normalement exposé à une radioactivité naturelle d'environ 4 mSv par an. La majeure partie provient du gaz radon émis par le sol.

- Une radiographie du haut du corps émet environ 0,02 mSv, une radiographie de la mâchoire 0,01 mSv.

- L'équipage d'une compagnie aérienne couvrant la liaison New-York/Tokyo emmagasine annuellement une radioactivité de 9 mSv. Le rayonnement cosmique provenant de l'espace augmente en effet avec l'altitude.

- 100 mSv constituent la valeur limite définie comme dangereuse: la probabilité d'une augmentation des cas de cancers croît quand un être humain est exposé une année durant à un rayonnement de cette intensité. Une dose supplémentaire de 1000 mSv aboutirait dans 20% des cas à un cancer mortel survenant même des années plus tard.

- Une seule exposition à 1000 mSv provoque des symptômes tels que des vertiges, mais n'est pas mortelle. Une unique dose de 5000 mSv est mortelle dans 50% des cas en l'espace d'un mois.