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Les Etats autoritaires peuvent acheter leurs logiciels espions en Suisse

Le marché de la cybersurveillance connaît une croissance sans précédent
Le marché de la cybersurveillance connaît une croissance sans précédent / 19h30 / 3 min. / le 17 septembre 2013
Des entreprises de cyber-surveillance basées en Suisse exportent leurs technologies vers des Etats où les libertés individuelles ne sont pas respectées, alertent plusieurs ONG sur la base de documents Wikileaks.

Alors que les scandales d'espionnage se multiplient, plusieurs entreprises implantées en Suisse travaillent activement à se faire une place sur le marché mondial de la cyber-surveillance.

Le Sankt-Galler Tagblatt rapporte mardi qu'une dizaine de demandes d'exportation de "techniques de surveillance" sont actuellement en attente au Secrétariat d'Etat à l'Economie (SECO).

Par "techniques de surveillance", on entend: systèmes de décryptage de messages, d'écoutes de conversations téléphoniques ou encore d'intrusion dans des ordinateurs (les fameux "chevaux de Troie").

Gamma, l'"ennemi d'internet"

Le groupe britannique Gamma, qui dispose d'une succursale enregistrée à Berne depuis juin 2013, est à l'origine de la plupart de ces demandes, selon le journal saint-gallois.

Réputée pour avoir développé la gamme d'outils de surveillance et d'intrusion informatique FinFisher, la société est aussi depuis plusieurs années la cible de critiques pour ses transactions avec des gouvernements autoritaires.

Reporters Sans Frontières la considère même comme l'un des 5 ennemis majeurs d'Internet, aux côtés de Blue Coat, également active en Suisse.

Des documents publiés par Wikileaks depuis fin 2011 sur le thème de la cyber-surveillance mondiale - les "Spy Files"- montrent ainsi que du matériel Gamma a été utilisé pour espionner des dissidents en Egypte sous Moubarak, à Bahreïn, en Ethiopie, en Malaisie...

Transaction avec Oman et le Turkménistan

De nouveaux documents mis en ligne le 4 septembre dernier retracent quant à eux de multiples interactions de Gamma ou de ses partenaires Elaman et Dreamlab (voir encadré) avec le Turkménistan ou le sultanat d'Oman.

Selon ces documents, les patrons de Dreamlab et Gamma se sont rendus au Turkménistan en 2010. Une offre concernant un système de mise sur écoute des téléphones portables a été formalisée en octobre, et vraisemblablement acceptée par le gouvernement turkmène, pour un montant de 874'819.70 francs.

Les fuites de Wikileaks révèlent par ailleurs qu'un cadre d'Elaman a effectué au moins deux séjours au Turkménistan en 2013.

Les documents font également apparaître une collaboration entre Gamma/Dreamlab et le sultanat d'Oman. On découvre ainsi une facture de 408'743.55 francs établie par le PDG de Dreamlab et relative à un projet d'espionnage.

Ces deux Etats, qui figurent très bas dans la liste des pays respectueux des libertés individuelles, font partie des pays visés par les demandes d'exportation en attente au SECO, d'après le Sankt-Galler Tagblatt.

Outils de sécurité ou de répression?

L'ONG Privacy International s'en alarme, et vient d'ailleurs de lancer une campagne auprès de la Confédération visant à bloquer les demandes et renforcer les contrôles pour ce type d'exportations.

Car, rappelle-t-elle, "ces technologies originellement destinées à lutter contre le crime peuvent devenir de redoutables outils de répression si elles tombent aux mains de gouvernements totalitaires".

Pauline Turuban

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La Suisse, une base arrière pour plusieurs entreprises

Une succursale de Gamma figure au registre du commerce suisse depuis juin dernier.

Avant cette date, la multinationale avait déjà trouvé le moyen d'opérer en Suisse:

Elaman, détaillant pour Gamma basé en Allemagne, mène depuis 2011 une partie de ses opérations en Thurgovie.

Dreamlab Technologies, entreprise implantée à Berne depuis 2004, a conclu un partenariat stratégique avec Gamma en 2010.

La convention prévoyait une collaboration et une mise en commun de savoir-faire entre les deux entreprises. Dreamlab aurait désormais pris ses distances avec Gamma.

Neosoft, société spécialisée dans l'interception de télécommunications, opère à Zurich depuis 2009. Elle a également déposé une demande d'exportation auprès du SECO.