Meaghan Creed et Vincent Pascoli, chercheurs au département de neurosciences fondamentales de l'Université de Genève, ont mis au point un nouveau protocole de stimulation cérébrale profonde chez des souris cocaïnomanes, qui leur a valu le prix Pfizer 2016 en neurosciences et maladies du système nerveux et une publication dans la revue Science.
La cocaïne cause "un changement au niveau de la transmission du signal entre différentes populations de neurones", a expliqué Vincent Pascoli lundi dans l'émission CQFD de la RTS. "Cette modification a lieu au niveau du système de la récompense. Il renforce les comportements bénéfiques à la survie, comme la reproduction ou le fait de se nourrir. Or, les drogues le détournent à leur profit en créant l'addiction", précise-t-il.
Il ajoute que ces changements sont stables et persistants, même longtemps après la prise de drogue et sont responsables du phénomène de la rechute, qui peut survenir même après des années de sevrage.
Chirurgie lourde
Par ailleurs, "chez la souris, ces changements sont induits par tous les types de drogue, y compris la nicotine", souligne Vincent Pascoli. Ce qui rendrait le traitement potentiellement utilisable également contre l'addiction à la cigarette.
Le protocole mis au point par les chercheurs vise à "réinitialiser le système" au moyen de la stimulation cérébrale profonde, qui consiste à implanter des électrodes dans le cerveau du patient et à lui délivrer des décharges électriques de faible intensité par l'intermédiaire d'un stimulateur.
Ce processus implique toutefois une chirurgie lourde: il faut percer un trou dans le crâne pour pouvoir poser des électrodes sur le cerveau. Une technique équivalente permettant de contrôler l'activité des neurones est actuellement utilisée pour soigner la maladie de Parkinson, et parfois dans des cas de dépression ou de dépendance.
Un traitement en dix minutes
Dans le modèle de Creed et Pascoli sur les rongeurs, le stimulateur est activé moins souvent, à plus basse fréquence, et permet un traitement unique en dix minutes. "La souris ne va plus se souvenir qu'elle avait pris de la drogue. De cette manière, on évite la rechute", explique-t-il.
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Ce modèle pourrait-il un jour être adapté à l'humain? Difficile à dire pour l'heure, bien que de nombreuses similarités existent entre le cerveau des souris et le cerveau humain. "Les cliniciens doivent le prendre en charge et faire les tests nécessaires", estime Vincent Pascoli.
jvia