Une nanoparticule est à une balle de tennis ce qu'une balle de tennis est à la Terre. Infiniment petites et invisibles, les nanoparticules fabriquées par l'industrie se retrouvent dans toutes sortes de produits: articles de sport, cosmétiques et même alimentation. Mais leur présence n'est pas toujours signalée.
Il est par exemple fréquent que des produits solaires contiennent du dioxyde de titane ou de l'oxyde de zinc.
La présence de nanoparticules rend la crème solaire plus facile à étaler
"A l'échelle nano, ces substances deviennent transparentes, ce qu'elles ne font pas à l'état brut. Leur présence rend donc la crème plus facile à étaler", explique à ABE Christoph Meili, ingénieur en biotechnologies et consultant dans le secteur des technologies émergentes, notamment pour la Confédération.
Aucune mention obligatoire
Les propriétés des nanoparticules sont également très recherchées pour certains produits d'emballage, par exemple pour produire des bouteilles PET qui retiennent mieux les bulles d'eau gazeuse. Toutefois, leur présence est impossible à deviner.
"Si le fabricant ne le signale pas, vous ne le saurez pas, ce n'est pas indiqué sur l'étiquette et vous ne le trouverez pas sur la déclaration des matériaux, c'est en partie dû au secret de fabrication et ce sont souvent des formulations qui ne sont pas rendues publiques", poursuit Christoph Meili.
Une communication opaque
En France, le philosophe Roger Lenglet tire la sonnette d'alarme. "Il ne se passe pas une seule semaine sans qu'une nouvelle nano ne soit mise sur le marché sans qu'on ait aucun recul sur ses effets sanitaires", dénonce-t-il.
Auteur de "Nanotoxiques: une enquête", il reproche à l'industrie de remplacer la matière que l'on connaît par une nouvelle matière commercialisable. "On joue avec le feu", s'indigne celui qui s'est fait une mission de sensibiliser l'opinion publique.
Car jusqu'ici, les industriels ont fait profil bas sur le thème des nanotechnologies, un domaine dans lequel des investissements colossaux ont été réalisés. Un document de Burson-Marsteller, une des plus grandes entreprises de communication du monde, datant de 2004, atteste en effet que tout a été mis en place pour soigner l'image des nanotechnologies afin d'éviter qu'elles ne subissent la même impopularité que les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Un risque possible pour l'humain
En Suisse, leur présence dans certains aliments, même en quantité très faible, fait l'objet de nouvelles recherches. Le Fonds national pour la recherche scientifique a par exemple mis sur pied un projet de 12 millions de francs sur cinq ans pour que soit étudié la réaction de l'humain et de l'environnement face à l'exposition aux nanoparticules.
Ces substances peuvent déclencher une réaction biologique
A Zurich, le toxicologue Hans-Peter Nägeli a déjà obtenu in vitro de premiers résultats auxquels il ne s'attendait pas. "Les particules de silicium, dont nous pensions qu'elles étaient inertes, activent très fortement les cellules et celles-ci réagissent par une réaction inflammatoire", résume-t-il. Cela pourrait, selon lui, permettre à terme d'établir un lien entre certaines maladies inflammatoires chroniques et présence de nanoparticules dans l'alimentation.
"Maintenant qu'on sait que ces substances peuvent déclencher une réaction biologique, il serait peut-être raisonnable de les utiliser à la plus petite dose possible ou seulement autant qu'il est techniquement nécessaire", préconise Hans-Peter Nägeli.
Et ça, pour l'instant, seule l'industrie peut le faire.
Françoise Weilhammer/Juliette Galeazzi
Des nanos dans les commerces suisses?
L'émission A bon entendeur a demandé à huit distributeurs suisses s'ils commercialisaient des produits contenant des nanoparticules et notamment les trois plus connus dioxyde de titane, dioxyde de silicium et nanoargent.
Aligro et Globus n'ont pas répondu. Parmi les six autres, Lidl n'a pas de listes à fournir. Les cinq autres reconnaissent la présence de nanos dans les cosmétiques, les produits solaires ou dans les deux.
Côté aliments, Migros et Coop disent ne pas vendre d'aliments contenant des nanos. Pour les trois additifs les plus connus, lorsqu'ils reconnaissent en avoir dans des produits, Migros, Coop et Manor partent du principe qu'ils ne sont pas utilisés sous forme nano ou alors qu'ils forment des agrégats plus gros.
Il n'y a qu'Aldi qui reconnaît une présence de nanos dans des bonbons, des chewing-gums et des mélanges d'épices.