L'identification de la super-bactérie résistant aux antimicrobiens renforce les inquiétudes concernant la perte d'efficacité des antibiotiques, a jugé jeudi un haut responsable sanitaire américain.
Selon une étude publiée ce même jour dans la revue médicale Antimicrobial Agents and Chemotherapy, une femme de 49 ans souffre d'une infection urinaire provoquée par une souche mutante de la bactérie E. Coli qui résiste à tous les antibiotiques, y compris celui considéré comme la dernière ligne de défense, appelé Colistine.
"La résistance aux antibiotiques se propage"
Interrogé dans le 19h30 de la RTS, Didier Pittet, chef service prévention et contrôle des infections des Hôpitaux universitaires genevois, confirme que "la résistance aux antibiotiques se propage" dans le monde. Celle-ci s'explique essentiellement par la surprescription d'antibiotiques.
"Les médecins abusent, les systèmes de santé abusent et les patients ne sont pas toujours attentifs" aux prescriptions, poursuit le scientifique. Il évoque aussi leur utilisation extensive dans l'élevage, où "la Suisse fait bonne figure".
Milliers de décès
Aux Etats-Unis, la résistance aux antibiotiques est jugée responsable de 23'000 décès par an et d'au moins 2 millions de maladies.
"Nous risquons de vivre dans un monde post-antibiotique. C'est la fin des antibiotiques si on n'agit pas en urgence", a estimé jeudi le directeur des centres américains de contrôle et de prévention des maladies.
rtr/rac/vtom
Mobilisation
Les experts avertissent depuis les années 1990 quant au risque de développement de superbactéries mais peu de laboratoires se sont lancés dans des recherches pour trouver la parade.
En janvier dernier, plusieurs dizaines de sociétés pharmaceutiques ont signé une déclaration par laquelle ils appellent les Etats à proposer des incitations pour investir dans ce domaine.
Dans une étude mandatée par le gouvernement britannique et publiée la semaine dernière, l'ancien économiste en chef de Goldman Sachs Jim O'Neill propose entre 1 et 1,5 milliard de dollars de récompense pour tout nouvel antibiotique sur le marché.
Mécanisme complexe
Selon une étude parue jeudi, la superbactérie a elle-même été infectée par un plasmide, une molécule d'ADN, qui a transmis un gène, le MCR-1, conférant cette résistance à la colistine (antibiotique de dernier recours).
C'est la première fois que le MCR-1, repéré l'an dernier en Chine chez des hommes et des porcs, est signalé aux Etats-Unis.