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Avec le DPI, "fabriquer des yeux bleus n'est pas à l'ordre du jour"

René Frydman. [B.Boisonnet/BSIP]
René Frydman, père scientifique du premier bébé-éprouvette / L'invité de la rédaction / 21 min. / le 8 juin 2016
Le gynécologue et obstétricien français René Frydman a permis la naissance du premier bébé-éprouvette en 1982. Il s'exprime sur les craintes de dérives liées notamment au diagnostic préimplantatoire, accepté dimanche en Suisse.

La naissance d'Amandine (le premier bébé-éprouvette) "a été perçue comme une transgression", a déclaré René Frydmann mercredi dans le Journal du matin de la RTS. "Il y a incontestablement eu un avant et un après. Ce qui était invisible - le début de la vie - est devenu visible, ce qui était intouchable devient manipulable".

Ce qui était invisible - le début de la vie - est devenu visible, ce qui était intouchable devient manipulable.

René Frydman, gynécologue et obstétricien, "père" du premier bébé-éprouvette français

En réponse à cette prouesse médicale en 1982, le président français de l'époque, François Mitterrand, a d'ailleurs crée le Comité national d'éthique, afin d'avoir une réflexion sur les possibilités et les limites de cette "révolution du vivant", a rappelé le spécialiste.

A l'époque, a encore raconté René Frydman, la première réunion mondiale de médecins travaillant dans ce domaine avait réuni une trentaine de spécialistes. Dans un mois, la réunion européenne en réunira 6000 à 7000.  "Cela montre l'installation de cette question à la fois dans le médical et dans l'extra-médical. On passe du médical au sociétal", estime le gynécologue.

Le fantasme des dérives

Alors, le diagnostic pré-implantatoire, accepté en votation populaire dimanche en Suisse, représente-t-il une avancée claire dans le domaine de la procréation médicalement assistée?

"On est dans le médical: on va chercher à éviter la naissance d'un enfant qui serait atteint d'une maladie génétique de haute gravité. Or, certains peuvent fantasmer sur des dérives... mais cela n'est pas le sujet, ni la possibilité (...) Fabriquer des yeux bleus, ce n'est pas à l'ordre du jour", a répondu René Frydman.

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Le DPI autorisé, c'est désormais la question de son remboursement qui se pose. [keystone - Gaëtan Bally]keystone - Gaëtan Bally
Questions autour du remboursement du DPI / Le Journal du matin / 1 min. / le 8 juin 2016

Contre la "commercialisation du corps"

Pour lui, les scientifiques doivent faire la pesée des intérêts: à la fois développer l'innovation, mais réfléchir sur ses implications. "La limite fondamentale est de lutter contre la commercialisation du corps, c'est-à-dire l'aliénation d'une personne à une autre pour satisfaire un besoin quel qu'il soit". Le gynécologue se réfère notamment au principe de la mère porteuse, qui "loue" son ventre pour la procréation.

Une avancée comme la naissance d'Amandine pourrait-elle à nouveau avoir lieu? "Très sincèrement, non. Nous sommes dans une société où le principe de précaution est posé de façon outrancière. (...) En France, nous sommes confrontés au conservatisme moral, mais les pays anglo-saxons et nordiques ont une autre approche", a estimé René Frydman.

jvia

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