Modifié

Aimer ou partager sur les réseaux sociaux: quels sont les risques?

Apposer une réaction sur un contenu en ligne.... [GERARD JULIEN]
Apposer une réaction sur un contenu en ligne.... - [GERARD JULIEN]
Un simple "J'aime" sur Facebook peut conduire devant la justice, comme l'a montré un exemple à Zurich. Dans quels cas est-on condamnable et quelles sanctions risque-t-on? Le point avec un avocat spécialiste.

Pas besoin d'être l'auteur d'un contenu illégal sur internet pour être condamné. Dans certains cas, un simple "J'aime" sur Facebook ou un retweet sur Twitter peuvent amener devant les tribunaux, comme le démontre un procès à Zurich.

>> Lire aussi : Devant la justice pour un "J'aime" sur Facebook, une première en Suisse

Alors quels sont les risques en Suisse? Le point avec Sylvain Métille, avocat spécialiste du droit de l’informatique et chargé de cours à l'Université de Lausanne.

Quand risque-t-on une sanction?

> Au pénal

Une personne qui "aime" ou retweete un contenu illégal le propage dans son réseau en le rendant disponible à d'autres utilisateurs. Elle risque donc une sanction suivant le type de contenu qu'elle partage. S'il s'agit de pédopornographie, l'infraction est dans tous les cas réalisée car c'est la mise à disposition de ces contenus qui est condamnable dans la norme pénale. Il suffit de propager un tel contenu pour s'exposer à une condamnation.

Dans les cas d'atteintes à l'honneur en revanche, il n'y a pas de jurisprudence claire. Ce sera donc au juge de décider si, en le partageant, la personne fait sien le contenu ou s'il s'agit simplement d'un fonctionnement inhérent aux réseaux sociaux. C'est donc l'intention qui est déterminante. Dans ce cas, seul l'auteur initial du message est responsable. C'est l'exemple du facteur, qui ne peut être tenu responsable du contenu du journal qu'il livre.

> Au civil

Il s'agit des actions en responsabilité qui débouchent sur des dommages et intérêts quand un dommage a été causé fautivement, par exemple dans le cas d'une atteinte à la personnalité, violation de droit d'auteur,... Mais ce type d'actions reste rare car la faute sera vraisemblablement imputée à l'auteur initial de l'atteinte et plus rarement à celui qui "aime" ou retweete le contenu problématique.

> Au civil en cas d'atteinte à la personnalité uniquement

Toute personne qui participe à une atteinte à la personnalité peut être obligée par un juge de cesser sa participation à l'atteinte, en supprimant le "j'aime" ou le retweet. Indépendamment de la faute et de l'intention, elle doit faire cesser l'atteinte.

C'est ce qui est arrivé à la Tribune de Genève en 2013. Elle estimait ne pas devoir être tenue responsable d'une atteinte à la personnalité commise par Eric Stauffer sur un de ses blogs. Or le Tribunal fédéral l'a déboutée, précisant qu'il ne s'agissait pas d'une question de responsabilité des hébergeurs de blogs mais de participation à l'atteinte. En hébergeant le blog d'Eric Stauffer, le quotidien a participé à l'atteinte à la personnalité, selon le TF, et il devait cesser sa participation. Cela ne crée pas pour autant une responsabilité (qui conduirait au paiement de dommages-intérêts).

Aimer et retweeter, même combat?

Ces deux actions sont identiques selon la justice. Elles impliquent techniquement de propager du contenu en le rendant disponible à d'autres personnes. Et elles posent la même question: fait-on sien le contenu en le propageant? Cette question n'est pas encore tranchée.

Et pour les commentaires?

Celui qui a la maîtrise d'une page Facebook est tenu pour responsable de ce qui est publié s'il a eu la connaissance du contenu et n'a pas réagi. Cette personne peut être considérée comme complice car elle a donné les moyens à l'auteur de publier ce contenu.

Quelles sanctions risque-t-on?

Il est difficile de dire ce que risquent exactement les personnes qui "aiment" ou retweetent un contenu jugé illégal, car cela dépend du type de contenu partagé, souligne Sylvain Métille. L'auteur risque une condamnation en fonction de la norme pénale qu'il a violée. Si le contenu partagé est de la pédopornographie, c'est la norme qui interdit la diffusion d'un tel contenu qui déterminera la sanction. De la même manière, si le contenu est raciste, c'est la norme sur le racisme qui fera foi.

L'avis de Sylvain Métille

Globalement, le risque de condamnation est limité si la personne ne partage pas l'avis qu'elle propage. En revanche, le risque est plus important pour quelqu'un qui partage vraiment l'avis d'un contenu considéré comme illégal. Le juge pourra alors considérer que la personne qui a "aimé" ou retweeté partage l'intention de l'auteur initial et en est autant responsable.

Risques de procès sur les réseaux sociaux: les conseils de Christophe Schenk
Risques de procès sur les réseaux sociaux: les conseils de Christophe Schenk / 19h30 / 1 min. / le 4 avril 2017

Cécile Rais

Publié Modifié