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Paléofutur: quand l'Europe était la Silicon Valley

La couverture de la BD "Le vingtième siècle: La vie électrique" d'Albert Robida. [La Librairie Illustrée/Flickr]
Paléofutur / 9 min. / le 15 juillet 2017
L'innovation et l'optimisme n'ont pas toujours été l'apanage de la Silicon Valley californienne. Entre 1850 et 1914, Paris a été la capitale mondiale des nouvelles technologies, du business, mais aussi des arts, de la culture et de la foi en l'avenir. Le décryptage de la chronique Paléofutur.

Entre 1850 et 1914, c'est Paris qui a tenu le rôle de phare inventif, économique, mais aussi artistique, culturel, poussée par un gigantesque souffle d’optimisme.

A la Belle Epoque, inventeurs et entrepreneurs viennent à Paris pour profiter d'un écosystème d'innovation fait de centres de recherche, de talents venus du monde entier et d'investisseurs aux poches profondes. Tous planchent sur les technologies du moment, avec peut-être encore plus d'ambitions qu'aujourd'hui à Palo Alto ou à San Francisco.

Ville multimédia

A l'époque, Paris est un centre mondial de télégraphie, l'internet du moment qui permet de communiquer de façon instantanée. On y invente aussi la carte postale, sorte de MMS avant l'heure. Les toute nouvelles rotatives y tournent à plein régime. Si les geeks ne lisent pas encore Wired, ils dévorent "La Vie électrique" publiée dans "Sciences Illustrées". Ils ne traînent pas dans un cyber café, mais se retrouvent dans les "téléphones cafés", desquels on peut appeler le monde entier.

Près de 200 cinémas s'ouvrent à Paris entre 1900 et 1913. Le streaming existe déjà sous la forme du théatrophone. Une invention qui permet de se brancher en direct sur une pièce de théâtre ou un spectacle d'opéra-comique, retransmis dans le monde entier via le réseau téléphonique.

Immigration facilitée

Comme la Silicon Valley aujourd'hui, le Paris du début du 20e siècle est un aimant pour tous les talents technos, pour tous les entrepreneurs du monde. Les étrangers y viennent sans aucune difficulté grâce à des voyages facilités dans un monde qui ne connaît pas encore les passeports. Cinquante millions de visiteurs se rendent à l'exposition universelle, à une époque sans autoroutes, ni compagnies aériennes low cost. Cinq cents banques sont créées à Paris entre 1873 et 1913, contre deux entre 1914 et l'an 2000.

Le métro est inauguré avec des panneaux en 34 langues. Les grands magasins naissent à cette époque et le Bon Marché promet des interprètes en 38 langues. Gustave Eiffel est le Steve Jobs de l'époque. Il invente le porte-jarretelle, conçoit la structure de la statue de la liberté et bien sûr la tour Eiffel. Les artistes et scientifiques collaborent.

L'Europe fauchée dans son élan

Mais ce gigantesque élan d'optimisme se termine brutalement avec la première guerre mondiale. Les deux plus grandes puissances de l'époque, l'Allemagne et la France entrent en conflit en 1914, alors que quelques années plus tôt, les moyens de transport et de communication plus rapides semblaient pouvoir venir à bout des malentendus culturels.

Les Etats-Unis, seul pays industriel qui n'a pas été démoli par les deux guerres mondiales a profité de cette non concurrence, qui a permis ces avancées technologiques. Mais cela n'explique pas tout de l'actuel côté poussif de la vieille Europe. En matière de télégraphe, la France était leader, mais les développements ont été plus rapides outre Atlantique. Un peu comme avec le Minitel et Internet: les Français avaient un coup d’avance technologique et s'y sont tellement accrochés qu'ils n’ont pas su attraper le train suivant.

Laurent Haug/Guillemette Faure/ad/jzim

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