C'est inédit en communication politique: le monde prête bientôt davantage attention à ce que tweete le président des Etats-Unis, plutôt qu'à ce que dit son porte-parole en salle de presse. Pourtant, si l'on se plonge dans le passé, on voit qu'il arrive régulièrement qu'un nouvel arrivant bouscule l'ordre établi en s'appuyant sur un nouveau média.
Qu'il s’agisse de Barack Obama avec les réseaux sociaux, de John Kennedy avec la télévision ou de l'ayatollah Khomeini avec les cassettes audio, l'histoire est pleine de politiciens qui comprennent avant les autres le potentiel d'un nouveau média.
Ces vieux nouveaux médias
Le concept d'outil d'échange et de socialisation est vieux comme le monde. Dans son ouvrage "The Writing on the Wall", qui raconte l'histoire des réseaux sociaux au travers des siècles, Tom Standage explique qu'on a retrouvé sur les murs de Pompéi des graffitis, non seulement dans l'espace public, mais aussi à l’intérieur des maisons. On y retrouvait déjà des messages politiques: "Vesonius Primus appelle à l'élection de Gnaeus Helvius comme aedile, un homme digne de fonctions publiques".
Les lettres écrites dans la Rome Antique sur des tablettes limitaient la taille des messages, bien avant les 140 caractères maximum de Twitter. Ces lettres circulaient entre destinataires, mais il arrivait aussi souvent qu'elles soient copiées et repartagées, une forme antique du "retweet" ou du "partage" sur Facebook. On les affichait aussi parfois dans les lieux publics, ce qui fait furieusement penser au mur Facebook.
Les influenceurs à l'oeuvre
Le succès d'un auteur se mesurait au nombre de copies qui étaient faites de ses idées. Pour se faire copier, une stratégie consistait à envoyer son travail dans les bibliothèques, ainsi qu'aux grands intellectuels de l'époque, un peu comme aujourd'hui on cherche à mettre nos messages sur un maximum de plateformes et à attirer l'attention d'influenceurs.
Autre phénomène que l'on voit aujourd'hui et qui n'a rien de nouveau: la "fear of missing out" ou FOMO. Cicéron, résidant loin de Rome, suppliait son ami Atticus de lui écrire même s’il n'avait rien à lui dire, ne supportant pas l'idée de passer à côté de quelque chose qui aurait pu se passer au cœur du pouvoir.
De l'utilité d'un réseau social
A toutes les époques, les nouveaux moyens de communication sont accusés de ne pas véhiculer de messages assez sérieux, de n'être que des gadgets. Mais aujourd'hui, deux milliards d'humains utilisent Facebook et toutes les entreprises veulent avoir leur community manager pour y gérer leur présence. On veut toujours croire que les médias seront utilisés à des fins de paix et d'éducation, mais les médias ne sont que le reflet de leurs inventeurs, ils sont profondément humains avec tout ce que cela suppose de bon et de mauvais.
Même les fakes news n'ont pas attendu les réseaux sociaux pour exister: quand le USS Maine explose au port de la Havane le 15 février 1898, le New York Journal accuse l'Espagne sans aucune preuve. Les réseaux sociaux n'ont finalement contribué qu'à faire circuler l'information plus vite, de façon plus économique et aux yeux d'une audience potentielle plus grande. Ce qui a changé c'est l’envergure. Et quand les choses changent de taille, elles changent de nature.
Laurent Haug/Guillemette Faure/ad/jzim