Publié

Paléofutur: la mauvaise réputation des nouveaux médias

Aux quatre coins de la révolution médiatique. [Fotolia - Scanrail]
Paléofutur / 9 min. / le 5 août 2017
A chaque fois qu'un nouveau média s'impose, c'est la même histoire: il subit de nombreuses critiques et est diabolisé... avant de finalement s'imposer. C'est vrai pour l'imprimerie, la radio, la télévision, pour le web et pour les réseaux sociaux aujourd'hui. Le décryptage de la chronique Paléofutur.

Parmi les reproches souvent faits aux technologies numériques, il y a celui de l'avalanche d'informations. Depuis l'arrivée du web, nous croulons sous une masse de savoir qui ne nous donne plus le temps de nous informer correctement. Mais nous ne sommes pas les premiers à nous plaindre de ce "bruit" qui, au final, nous prive de "signal".

L'infobésité fait son apparition lors de la dernière grande révolution du monde des médias: l'invention de l'imprimerie par Gutenberg au XIVe siècle. Les intellectuels de l'époque se plaignent alors du flot de mauvais livres et pamphlets qui fait baisser le niveau général, qui dilue les œuvres de qualité dans un tas de contributions sans intérêt.

Trop de livres, trop vite

Le botaniste Conrad Gessner déplore en 1545 "l'abondance néfaste et confondante de livres". L'Anglais Barnaby Rich, se plaint en 1613 que les livres surchargent le monde au point qu'il ne peut "digérer l'abondance des futilités qui éclosent tous les jours". Avant eux déjà, Sénèque désespère de "l'abondance de livres qui est une distraction".

Autre critique actuelle: tout va trop vite, l'accélération est insupportable. Mais en 1881, lorsque le télégraphe se répand, un médecin de New York nommé George Beard publie un livre appelé "American Nervousness" - la nervosité américaine. Il accuse le télégraphe d'être à l'origine d'une épidémie de nervosité liée à l'accélération du rythme de la vie.

Des générations de fainéants

A son apparition, la photographie est d'abord considérée comme un métier de paresseux, parce que ceux qui travaillent vraiment, ce sont les peintres qui consacrent des jours à un portrait. Derrière cet exemple se cache la crainte qu'avec l'innovation, l'homme va perdre son savoir-faire et sa capacité à créer des chefs-d'œuvre. Elle date des philosophes grecs. Dans le Phèdre de Platon, Socrate se moque de l'invention de l'écriture. "Votre découverte engendrera l'oubli dans l'esprit des apprenants - ils se fieront à des caractères écrits extérieurs et ne se souviendront plus eux-mêmes."

Toutes les technologies ont aussi nourri des inquiétudes quant à la santé des enfants. En 1936, un numéro de la revue Gramophone met en garde contre les effets de la radio. Selon l'article, la radio va garder les enfants éveillés dans leur lit, agités et inquiets.

Digital detox (de grand-mère)

Alors pour lutter contre la consommation excessive, il n'y aurait qu'une solution: la diète totale. Voltaire le disait déjà à propos du risque de surcharge informationnelle: "si ça continue j'arrête tout". Avant lui, Erasme se demandait s'il existait un endroit sur terre à l'abri du déferlement de livres. Socrate conseillait de n'avoir dans sa bibliothèque que quelques ouvrages à relire.

Aujourd'hui, Clay Shirky, un Américain spécialiste des nouvelles technologies montre que la vraie question est celle du tri. Le contenu d'une librairie déversé dans une rue donnera une énorme poubelle. Ce même contenu classé dans un magasin dégagera une toute autre impression. Aujourd'hui, de nombreuses sociétés, petites et grandes, travaillent à trier l’information pour y donner du sens. Histoire de ne plus se noyer dans la masse.

Laurent Haug/Guillemette Faure/ad/jzim

Publié