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Les tests ADN grand public laissent certains experts dubitatifs

L'entreprise Ancestry propose des analyses ADN pour connaître nos origines. [Reuters - George Frey]
Une entreprise propose des tests ADN pour tout connaître sur nos origines / Tout un monde / 6 min. / le 22 septembre 2017
Un nombre croissant de laboratoires proposent sur internet des tests d'ADN pour connaître ses origines. Or, certains scientifiques remettent en cause la pertinence des résultats. L'émission Tout un monde fait le point.

Ancestry, Family Tree DNA ou 23andMe aux Etats-Unis ou encore iGenea en Suisse, tous proposent aux internautes d'envoyer un échantillon de leur salive afin d'en analyser l'ADN et apporter des réponses sur leur identité génétique.

Ancestry, par exemple, livre un graphique indiquant la part des différentes origines d'une personne. La firme permet également de retrouver des ancêtres par un système d'arbre généalogique ou de découvrir des parents éloignés qui ont également fait le test.

Méthodes scientifiques "fiables"

Les laboratoires comparent une partie de l'ADN - il serait trop coûteux d'en séquencer la totalité - avec celles de populations type. Pour ce faire, les sociétés ont dû composer une banque de données: "Celle-ci contient des centaines de milliers de génomes de personnes issues d'une région déterminée. Elles créent des populations de références pour certaines régions d'Afrique ou d'Europe occidentale par exemple. Elles comparent ensuite chaque région du génome de la personne avec ces populations", explique Jacques Fellay, médecin et chercheur au CHUV.

Cette technologie développée il y a seulement quelques années est plutôt fiable, estime l'expert en génomique. Celui-ci souligne que les résultats apportent une bonne indication du génome d'une personne, surtout lorsque les populations sont mieux caractérisées. Ainsi, les résultats seront plus fiables pour les îles britanniques que pour le Sahara.

"Ces tests ne sont qu'une projection"

Alors que tous s'accordent à dire que la technique est scientifiquement correcte, certains experts émettent des réserves. C'est le cas de Marie Besse, professeur d'archéologie préhistorique et anthropologie à l'université de Genève, pour qui ces tests constituent davantage une projection qu'une réflexion de la réalité. "Il y a des mouvements de populations, des transmissions de gênes, et l'origine même d'une personne ne peut être définie sur la seule base de cette analyse ADN".

En outre, certains généticiens remettent en question les données ADN de référence, considérées comme trop aléatoires. Puisqu'elles ne prennent pas en considération le mouvement des peuples, elles oublient en effet que ceux-ci ont pu se mélanger avec d'autres populations. "Lorsqu'on dit que votre ADN est originaire de telle ou telle ethnie, c'est considérer que ces populations ont une véritable existence unique et précise. Or, les généticiens et les anthropologues savent fort bien que cette classification de l'humanité en population est extrêmement floue", rapporte Pierre Darlu, anthropologue généticien au Musée de l'homme à Paris.

Blandine Levite/hend

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Une part "juive européenne"

Le test d'Ancestry inclut la catégorie "juif européen" dans ces résultats, ce qui peut sembler dérangeant sachant que le judaïsme est une religion. L'explication est culturelle, selon Jacques Fellay, médecin et chercheur au CHUV: "Les juifs ashkénazes d'Europe de l'est ont connu, pendant des siècles, une homogénéité très importante. Ils ont eu tendance à se marier et avoir des enfants seulement dans leur groupe culturel (...) Cela peut être le cas aussi pour des populations qui vivent sur une île, en Islande par exemple ou même en Finlande".

Pas de tests grand public en Suisse

En Suisse, la réglementation sur les analyses ADN est plus stricte qu'aux Etats-Unis. Un test de paternité, par exemple, nécessite la prescription d'un médecin, la présentation d'une carte d'identité et le consentement des parents.

Les tests généalogiques grand public n'ont donc pas lieu sur le territoire suisse. Malgré qu'ils sont accessibles sur internet, via les Etats-Unis, il n'y a pas de laboratoire en Suisse, selon l'Office fédéral de la santé publique.

Ce flou juridique sera d'ailleurs discutées au Parlement fédéral, d'ici quelques mois, dans le cadre de la révision de la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine.