Nous sommes à l'aube d'une "épidémie de manque de sommeil", estime Matthew Walker, directeur du Center for Human Sleep Science de l'Université de Berkeley, en Californie, et auteur du livre "Pourquoi nous dormons".
Selon ses recherches, relayées par l'émission Tout un monde de la RTS, moins de 8% de la population mondiale dormait 6 heures par nuit en 1942, contre une personne sur deux en 2017. Les scientifiques, eux, préconisent entre 7 et 8 heures de sommeil.
En Suisse, environ un quart de la population suisse souffre de ne pas dormir suffisamment, ou d'avoir une qualité de sommeil médiocre, selon la dernière enquête suisse sur la santé de l'OFS, datant de 2012. Cette recherche montre aussi que 8 personnes sur 100 consomment des médicaments pour s'endormir.
"Un stress pour l'organisme"
Les études sur le sommeil sont plutôt récentes, mais son déficit a des conséquences tangibles en matière de santé publique. "Le manque de sommeil est clairement un stress pour l'organisme. Il augmente le risque cardio-vasculaire, donc le risque d'attaque cérébrale ou d'infarctus est plus élevé", explique Raphaël Heinzer, médecin co-directeur du Centre d'investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV et co-auteur de l'ouvrage "Je rêve de dormir".
Le manque de sommeil augmente le risque cardio-vasculaire, donc le risque d'attaque cérébrale ou d'infarctus est plus élevé.
L'obésité, des problèmes immunitaires, mais aussi des problèmes de santé physique ou psychiques comme le diabète, la dépressions, la maladie d'Alzheimer, voire certains cancers comptent parmi les conséquences sanitaires évoquées par les chercheurs. En découlent également un taux d'absentéisme plus élevé au travail et une augmentation du risque de burnout.
Une baisse de productivité qui coûte cher
Selon une étude du think thank RAND, la baisse de productivité et l'augmentation de la mortalité liées au manque de sommeil engendrent des coûts économiques qui représenteraient 50 milliards de dollars par an au Royaume-Uni, soit 1,86% du PIB britannique et jusqu'à 411 milliards ou 2,28% du PIB des Etats-Unis. En Suisse, les coûts du déficit de sommeil sont estimés entre 4,9 et 8,6 milliards de francs par année.
Les chiffres pour la Suisse ont été rapportés à une moyenne et reportés en dollars.
Un problème méconnu
Mais devant ce constat, quelles politiques publiques peut-on imaginer pour protéger les populations? Claude Le Pen, économiste de la santé et professeur de sciences économiques à l'université Paris Dauphine, estime que les autorités ne le considèrent pas comme un problème de santé publique, faute d'études suffisamment larges et documentées.
Un problème trop méconnu, "entre la vie privée et la vie publique, entre la vie sociale et la vie médicale", qui peut aussi difficilement être pris en main avec des mesures coercitives.
Claude Le Pen évoque plutôt une "désincitation à une mobilisation 24 heures sur 24", par exemple par le "règlement sur les heures d'envoi des courriers électroniques aux collaborateurs" ou celui "des horaires des réseaux intra-entreprises".
Blandine Levite et Jessica Vial
Comment soigner son hygiène du sommeil?
Etre régulier:: si possible, dormir toujours à la même heure, afin d'avoir un sommeil plus profond.
Diminuer la luminosité : éviter notamment les écrans avant de dormir, pour que le corps puisse sécréter de la mélatonine, l'hormone du sommeil.
Aménager son espace: optimiser les conditions de confort de votre chambre en limitant le bruit, en veillant à ce que la température ne soit ni trop chaude, ni trop froide... mais aussi limiter le lit au sommeil et aux activités sexuelles.
Renoncer aux excitants: éviter le café, les cigarettes, l'alcool. Et bien que l'exercice physique soit recommandé, il est préférable de ne pas le pratiquer en fin de soirée.
Ne pas faire de sieste: si l'on a déjà des problèmes de sommeil, éviter les siestes ou les périodes de somnolence durant la journée. Ainsi, on ne fragmente pas le sommeil et l'on consolide sa nuit.
Se forcer à aller dormir: considérer le sommeil comme une nécessité pour la santé, au même titre par exemple que l'activité physique. Ou même, comme le suggère le chercheur Matthew Walker, mettre un réveil une demi-heure avant d’aller dormir. Puisqu’on met un réveil pour se réveiller, on peut aussi en mettre un pour aller au lit.