![Facebook paye des médias pour publier sur sa plateforme. [DR]](https://img.rts.ch/articles/2017/image/ssg1ps-26004746.image?w=1280&h=720 "Facebook paye des médias pour publier sur sa plateforme. [DR]")
Avec ses millions, Facebook paie les médias pour les "aider" à être visibles
Facebook comme "sponsor" de médias influents pour la production de vidéos sur sa plateforme: invité de l'émission Vertigo lundi, le journaliste belge Nicolas Becquet explique les dessous d'une pratique qu'il a mise en lumière.
Nicolas Becquet révélait la semaine dernière dans une enquête publiée sur le site European Journalism Observatory que Facebook rémunère des médias français (TF1, Figaro, La Parisien et Le Monde notamment), pour la production de vidéos, dans des partenariats qui représentent jusqu'à 200'000 euros (233'450 francs) par mois et par titre.
"Il s'agit de partenariats aux termes confidentiels, qui lient Facebook et des grands médias", explique le journaliste belge, spécialiste des technologies du numérique, au micro du journal culturel Vertigo lundi. "Facebook dit: 'je vous donne une certaine somme, entre 100'000 et 200'000 euros par mois sur 6 mois', et en contrepartie le média va produire un certains nombre de minutes de vidéos sur la plateforme du réseau social."
Diffusion la plus massive possible
Facebook n'intervient pas sur les contenus, sur le choix des sujets, sur l'approche journalistique, précise l'enquêteur, la seule contrainte imposée étant le volume de minutes de vidéos publiées par mois.
"La logique de Facebook est d'embaucher des médias VIP très influents, qui pourront diffuser massivement des vidéos afin qu'elles se retrouvent sur un maximum de fils d'actualité de Facebook", explique Nicolas Becquet, en rappelant que la stratégie du réseau social était pratiquée en 2016 déjà aux Etats-Unis, notamment via CNN, Buzzfeed ou le New York Times.
Inégalités renforcées
Et le spécialiste de pointer l'inégalité qui se trouve ainsi creusée entre les médias. "Les petits ou moyens médias, pas rémunérés pour ce travail, auront beaucoup plus de mal à mettre en place la production de vidéos, très coûteuses en temps, en énergie et en argent."
Propos recueillis par Magali Philip
Adaptation web: Katharina Kubicek
Publié Modifié
Triple dépendance des médias à Facebook
L'enquête de Nicolas Becquet met également en lumière une triple dépendance des médias vis-à-vis de Facebook.
1) Facebook a offert aux médias une audience de 2 milliards d'internautes, générant une forme de dépendance à cette audience.
2) Constatant le retard des médias dans la transition numérique, Facebook a également proposé des outils très efficaces aux médias. Ce faisant, il s'est substitué à eux pour la diffusion des articles, ou pour la production de vidéos (avec l'outil Facebook live notamment).
3) La dépendance financière liées aux revenus publicitaires générés sur Facebook s'étend maintenant également à la rémunération des médias, directement et pour des durées déterminées.
Les médias sont-ils pour autant pieds et poings liés face à Facebook? Nicolas Becquet tempère: "Les plateformes numériques ont amené un vent nouveau dans les rédactions, avec des outils qui ont aidé les journalistes à surmonter la crise de confiance qu'ils avaient avec leur audience. Aujourd'hui, on est plus proches, on discute davantage, et c'est grâce aux réseaux sociaux."
Le risque, selon lui, est qu'à long terme les contenus deviennent génériques, ou pire, que les médias deviennent des agences de presse des réseaux sociaux. Quant à l'utilisateur aussi, a aurait déjà maintenant du mal à distinguer le média auteur des vidéos lors de sa consultation.
Facebook, un média à part entière?
Facebook est-il déjà un média? "Clairement", affirme Nicolas Becquet. "Non seulement ils diffusent des informations, mais ils la hiérarchisent via les algorithmes. Aujourd'hui, ils rémunèrent d'autres médias pour produire des vidéos, demain, avec Watch, ils co-produiront leurs propres vidéos. Tous les critères sont remplis pour dire que Facebook est déjà un média à part entière, même si le réseau social refuse cette étiquette et la responsabilité qui l'accompagne."