La consommation par abonnement, une économie qui envahit notre quotidien
Des produits culturels aux préservatifs en passant par la gastronomie, l'économie de la souscription est en plein boom en Suisse et ailleurs dans le monde. Cette évolution répond aux nouveaux enjeux liés à internet et à la numérisation croissante de la société. Mais elle n'est pas sans provoquer des problèmes, notamment en termes de soucis de résiliation ou de reconduction automatique des abonnements. Zoom sur une économie qui envahit notre quotidien.
Série réalisée par Didier Pradervand
Episode 1
Demain, tous abonnés
Conceptualisé à la fin du XIXe, spontanément lié à la presse, à la téléphonie, au théâtre ou au fitness, l'abonnement connaît une nouvelle jeunesse. Grâce à internet, au e-commerce, mais surtout - vrais gagnants de cet essor - aux organismes financiers et bancaires, l’économie de la souscription envahit notre quotidien.
Enjeux et défis
A la clé, on découvre la dématérialisation des magasins et de l’acte d’achat. "Quitte à en oublier la vraie valeur du produit acheté, sans parler de l’impact écologique et des surcoûts liés aux transports et aux frais de livraisons à domicile des biens ainsi achetés", souligne Nicolas Inglard, directeur d’Imadeo, spécialiste du commerce.
Problèmes de résiliation, de reconduction automatique ou d’abonnements cachés: en un an, la Fédération romande des consommateurs a enregistré une hausse de 57% des plaintes et doléances concernant ce mode de consommation.
Comparée à ses grands voisins, la Suisse - notamment ses grandes enseignes de distribution - est en retard. Mais sa conversion à ce modèle économique n'est qu'une question de temps. Au risque alors de bouleverser tout le circuit du commerce de détail mais également la chaîne de valeurs qui unit marques, clients et produits.
Episode 2
On s'abonne à tout, même aux préservatifs
Alimentation, transports, décoration, design, culture, mode, électroménager, cosmétique, hygiène personnelle, etc.: aucun secteur n’échappe au phénomène de l’abonnement. A l'instar des brosses à dent, des rasoirs, du papier toilette ou des couches pour bébés, même les préservatifs se "consomment" sur abonnement.
The Green Condom Club
Fondée en 2015 et fort d’un peu plus d’un millier de clients, abonnés ou simples acheteurs irréguliers, professionnels du sexe ou association militant pour une sexualité écoresponsable, une start-up genevoise a ainsi lancé en avril 2017 sa propre marque de préservatifs vegan, sans OGM ni parabène ni perturbateur endocrinien.
Mieux, et étonnamment rare dans ce secteur, la jeune société a également fait de la transparence sur la composition de ses préservatifs un argument marketing. Pour y parvenir, sa fondatrice a visité plus d’une quarantaine de manufactures dans le monde. Seules deux étaient prêtes à accepter son exigence de transparence. Frais de livraison compris, l’abonnement mensuel coûte entre 8, 20 et 36 francs selon la formule choisie, à savoir: 5, 15 ou 30 pièces.
Episode 3
La culture en panier
Encourager l’art et la culture de proximité, soutenir des artistes peu médiatisés et aider à la découverte de créations originales et exclusives: c’est le pari de cinq médiatrices culturelles vaudoises. Inspirées par ce qui se fait pour l’agriculture locale grâce aux paniers de fruits, légumes ou viande ainsi que par des expériences similaires en France, elles ont lancé ce printemps un projet de panier culturel trimestriel. On s’y abonne pour un an (360 francs) ou on le "consomme" à l’unité pour 100 francs.
Contenu
Chaque trimestre, dans la zone géographique qui va de Morges à Vevey, et de Lausanne à Yverdon-les-Bains, une centaine de clients et abonnés reçoivent ainsi un disque, un livre ou une revue ainsi qu'une sortie culturelle classiques pour deux (théâtre, cinéma, concert, exposition, etc.).
Dans leur "panier", ils découvrent également une deuxième oeuvre, exclusive celle-là, ainsi qu'une seconde sortie dite "insolite" pour deux, chacune ayant été coproduite ou organisée spécifiquement pour eux, à l'exemple d’une récente visite d’un atelier. Avec "rencontre et échange avec l’artiste à la clé", détaille Anouck Hoyois, l’une des créatrices de ces paniers. "Point d’élitisme ni de désir d’être grand public, ajoute la jeune femme. Notre approche se veut originale, participative et surtout pluridisciplinaire."
Episode 4
La surprise est dans la boîte
Indissociables de l’essor de la consommation par abonnement, et manière pour beaucoup de leurs abonnés de réenchanter l’acte d’achat, les boîtes mensuelles surprise ont le vent en poupe. Cosmétiques, vins, bières, etc.: si nombre d’entre elles visent d’abord une clientèle adulte, les enfants sont aussi concernés avec par exemple, des boîtes mensuelles de loisirs créatifs. Leur prix? 27, 30, 34 ou 36 francs la boîte, à payer en avance selon la formule d’abonnement choisie de 1, 3, 6 ou 12 mois.
Public cible
Marie Serafim, la jeune mère de famille genevoise à l'origine du projet, de rappeler que "son concept Thinkouthebox ne vise pas à occuper les enfants - filles et garçons - pendant que les parents font autre chose, mais d’offrir clé en main une activité créative à réaliser en famille."
Matériel, fiche technique en trois langues et vidéos explicatives sur internet: conception et mise en oeuvre de son projet sont certes exigeantes en temps, mais, forte des retours de ses premiers clients et abonnés, la jeune femme entend bien persévérer. Prochaines étapes? Séduire les marchés alémanique, français, belge et allemand et, "peut-être, diminuer le rythme à une boîte tous les deux mois afin d’en proposer une nouvelle, destinée cette fois aux adultes et orientée décoration."
Episode 5
Viser les entreprises
Depuis longtemps, les entreprises participent à l’économie de la souscription. Encore faut-il leur proposer un produit dont elles ont ou pourraient avoir besoin. C’est la conviction de Nick Richmond, fondateur de la startup Hoppbox. Son créneau: le "snacking", en version manger sain, manger bien.
Hoppbox
A la clé, "élaborés avec une nutritionniste et parce que 80% des Suisses grignotent une collation quotidienne", une cinquantaine de snacks individuels différents mélangeant fruits à coque, graines, fruits secs et même quelquefois pépites de chocolat, tous estampillés bio, commerce équitable et "tant faire se peut" production locale. En quinze mois, près de 100'000 snacks ont été vendus, tant auprès de privés (9 francs la boîte de 4 snacks, frais de livraison compris) que d’environ 70 entreprises.
Objectifs futurs? "Se faire connaître, se faire accepter, grandir, signer des partenariats avec des grands de la distribution et de la restauration d’entreprise et, comme prévu, atteindre les chiffres noirs courant 2018", répond Nick Richmond. Et d’ajouter: "nous voulons aussi améliorer notre 'packaging' pour être écologiquement meilleurs". Dès sa création, la jeune start-up a en effet inscrit son projet dans un cadre social et philosophique plus large en confiant, par exemple, toute la manutention de ses snacks à la Fondation foyer-handicap.
L'invité
Philippe Moati, professeur d'économie
Alors que la consommation par abonnement prend de plus en plus de place, l'économiste Philippe Moati donne son avis sur la question dans le 12h30.