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Les séries TV, une image "prétentieuse" de la médecine légale américaine

L'invitée de Pietro Bugnon - Silke Grabherr, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale
L'invitée de Pietro Bugnon - Silke Grabherr, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale / La Matinale / 15 min. / le 28 décembre 2017
La médecine forensique des séries américaines n'est "pas très réaliste", voire "prétentieuse", selon Silke Grabherr, directrice du centre universitaire de médecine légale à Lausanne.

Silke Grabherr, invitée vendredi de La Matinale de la RTS, est régulièrement appelée à enquêter à l'étranger sur les "cold cases", ces affaires judiciaires classées sans suite car trop anciennes.

L'experte et deux autres membres de son équipe ont par exemple été mandatés par la Pologne parmi les six chercheurs internationaux qui enquêtent sur le crash de Smolensk, où le président Kascinsky et ses ministres avaient trouvé la mort en 2010.

"Parfois, les politiques décident de rouvrir ces cas, car ils savent que la technique a changé, et ils veulent avoir des experts neutres. Pour cela, la Suisse s'y prête très bien", explique-t-elle.

Ces affaires rappellent forcément celles traitées dans les séries policières américaines, telles que "Cold Case" ou "Les Experts". Silke Grabherr assure pourtant qu'elle ne les regarde "quasiment pas".

"C'est toujours un peu la même histoire. Ce sont des super-héros qui arrivent à tout résoudre: des médecins légistes qui sont spécialistes en dix choses différentes, qui enquêtent eux-mêmes et vont arrêter l'agresseur. Ce n'est pas très réaliste", regrette-t-elle.

Les Américains, "pas à la pointe"

Elle estime même que la manière dont la médecine légale américaine y est dépeinte est "un peu prétentieuse". Dans ces séries, "ils utilisent des techniques très à la pointe et les présentent comme si cela venait des Etats-Unis". Elle précise qu'en en matière de médecine forensique, les avancées proviennent d'Europe, et un peu du Japon ou de Chine. "Les Américains sont leaders dans certains domaines policiers, comme les profilers, ils ne le sont pas dans la médecine légale", ajoute-t-elle.

A-t-elle déjà vu sa découverte, l'angiographie post mortem (voir encadré), mise en scène à la télévision? "Non. Par contre le Virtopsy, ou autopsie virtuelle, qui est un projet développé en Suisse, d'abord par l'Université de Berne puis celle de Zurich, a été montré dans un épisode", répond Silke Grabherr.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Jessica Vial

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L'angiographie post mortem

Silke Grabherr a mis au point une technique qui a révolutionné la médecine forensique: l'angiographie post mortem, qui permet de visualiser les vaisseaux sanguins d'un mort. Cette technique d'imagerie, dont elle a émis l'idée il y a une dizaine d'années, est largement utilisée en Suisse et dans le monde.

On veut "refaire une circulation sanguine post mortem", comme si on remettait le coeur en route, mais il s'agit d'une machine branchée au système vasculaire, explique la scientifique.

"Si on fait en même temps un scanner, on peut voir s'il y a eu des problèmes vasculaires, comme si on le faisait chez une personne vivante. S'il y a une hémorragie, le corps va saigner à nouveau et on va trouver cette fuite au niveau des vaisseaux. Si les vaisseaux sont occlus, par exemple dans un cas d'infarctus, on le verra aussi".