Le service du pharmacien cantonal du canton de Vaud a confirmé mardi à l'émission CQFD de la RTS que l'Euthyrox, produit par la société Merck, changera de formule dès le mois d’avril.
C'est précisément la nouvelle version du médicament - celle qui a créé la polémique en France en 2017 pour ses nombreux effets secondaires - qui va être proposée dès le mois d’avril en Suisse, faisant craindre un scandale similaire.
Le nom du médicament n'a pas changé en France et ne changera pas en Suisse. Dans les deux cas, la substance active (c’est-à-dire l’hormone de synthèse, la levothyroxine) n'est pas non plus modifiée.
Interrogé par CQFD, Gerasimos Sykiotis, médecin-adjoint au service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme au CHUV, précise qu'outre un dosage plus précis, le changement concerne surtout les excipients, c'est-à-dire les molécules qui donnent sa texture, son goût et sa forme au médicament et qui facilitent son administration et sa conservation.
La faute aux excipients
"Toutes les molécules ne sont pas forcément très bien supportées par tous les patients. Et quand on change une formulation, même si on a au final un effet semblable, elle peut ne pas convenir à un patient", explique Jacques Philippe, professeur et médecin responsable de l'unité d'endocrinologie des HUG.
Les excipients peuvent provoquer des effets qui ne sont pas liés à la substance active du médicament, et ils semblent être responsables des effets secondaires reportés en France. "Maux de tête, dépression, insomnies, vertiges, anxiété, douleurs articulaires, pertes de cheveux...", liste Gerasimos Sykiotis. "Sur 2,6 millions de personnes traitées en France, il n'y a eu que 17'000 rapports d'effets secondaires", soit moins de 1% des patients concernés, nuance toutefois le médecin.
>> Lire : La polémique française autour du médicament Levothyrox gagne la Suisse
Variations selon les patients
Autre problème, les effets secondaires reportés ressemblent beaucoup à certains symptômes ressentis lors d’un trouble de la thyroïde, alors que c'est justement l’hypothyroïdie qui doit être combattue.
Cela ne signifie pourtant pas que la nouvelle version du médicament ne fonctionne plus aussi bien que l'ancienne. L'explication de ces plaintes et de ces effets secondaires pourrait être liée au coefficient de variabilité: "Lorsque l'on donne ce traitement à plusieurs personnes, l'effet peut varier de 24%. Pour une centaine de personnes, on va avoir pour une même dose une variabilité de 24%", explique Jacques Philippe.
En résumé, si un médicament change d'excipients, il est possible que le corps l'absorbe différemment. Les spécialistes recommandent de doser - et donc de mesurer - le taux d’hormones dans le sang après le changement si le patient a l'impression que l'effet de la formule est différent.
Huma Khamis et Stéphane Gabioud/jvia
Pourquoi un tel scandale en France?
La colère suscitée en France autour de ce médicament soignant la thyroïde a contraint le gouvernement à promettre la remise prochaine sur le marché de l'ancienne formule du traitement.
Point important à noter concernant la France: l’emballage du Levothyrox n’a pas changé, donc les patients et les cliniciens n’ont parfois pas vu passer le changement dans un premier temps.
Ensuite, les effets secondaires ont été minimisés ou pas vraiment pris au sérieux par les autorités sanitaires. Les prises de sang et le dosage des hormones que recommandent les spécialistes lors d’un changement de traitement n’ont souvent pas été faits.
Il faut aussi savoir que le Levothyrox était le seul traitement disponible en France quand ce scandale a éclaté. Les personnes qui souffraient de ce changement de formulation n’avait pas d’autre option de traitement. En Suisse, en revanche, d'autres traitements sont disponibles.