Le cancer le plus fréquent de tous les cancers est le carcinome basocellulaire, qui est très lié au soleil. Avec le carcinome spinocellulaire, il forme le groupe des cancers non-mélanomes. Ces deux types concernent environ 90% des personnes touchées par un cancer de la peau. Ils touchent surtout des personnes âgées, en particulier sur le visage et ils sont très rarement mortels.
Les mélanomes, par contre, sont beaucoup plus rares et beaucoup plus dangereux, surtout s'ils sont détectés trop tard. En Suisse, le mélanome est le cinquième cancer le plus fréquent. Chaque année, on enregistre 2700 nouveaux cas de mélanome.
Pas d'effet prouvé
Bertrand Kiefer explique dans l'émission CQFD que l'efficacité de la crème solaire peut être qualifiée de "mythe". Il se base sur une méta-analyse publiée début avril et compilant 29 études impliquant plus de 300'000 participants. Elle visait à évaluer l'association entre le risque de cancer de la peau et l'utilisation de la crème solaire et concluait qu'il n'y a pas d'effet prouvé des crèmes solaires en prévention du mélanome.
"Les gens qui s'appliquent davantage de crème solaire n'ont pas eu moins de mélanomes que les autres." Et Bertrand Kiefer de s'interroger sur le peu d'études disponibles sur le sujet alors que des "centaines de millions de gens s'appliquent de la crème en pensant pour beaucoup qu'elles le font pour diminuer le risque de mélanomes".
L'efficacité de la crème solaire pour lutter contre les coups de soleil qui sont provoqués par les UVB n'est pas remise en cause par Bertrand Kiefer. Par contre, le lien entre soleil et mélanome est "probable", mais "très complexe": "75% des mélanomes apparaissent sur la peau qui n'est pas ou peu exposée au soleil. Il n'y a pas de rapport direct entre la quantité de soleil auquel on a été exposé et l'apparition de mélanomes."
Des compositions aux effets mal connus
Au-delà de la question du mélanome, les crèmes solaires contiennent souvent des produits non testés et potentiellement dangereux pour la santé.
"Les industriels qui produisent des crèmes solaires sont des industriels des cosmétiques et non de la pharma", souligne Bertrand Kiefer. "D'ailleurs, ils se gardent bien de dire qu'ils ont des preuves que ces crèmes sont efficaces contre les mélanomes ou même tout autre type de cancer."
Le problème se situe selon le médecin plutôt dans les substances absorbées par la peau et qui terminent dans le sang. "Une étude suisse montre que le lait de 85% des femmes qui allaitent et se mettent de la crème solaire contient des traces de filtres UV. On ne sait pas quelle influence ça a, mais ce n'est tout de même pas anodin!" Certains de ces filtres pourraient avoir des effets de perturbateurs endocriniens.
"Il y a beaucoup de questions ouvertes, mais peu de preuves", conclut Bertrand Kiefer. "S'exposer au soleil, bien sûr", admet-il, mais sans exagérer et en songeant à porter vêtements adaptés, chapeau et lunettes de soleil. Il conseille aussi de rester à l’ombre entre 11h et 15h et de montrer régulièrement ses taches cutanées suspectes à un médecin.
Propos recueillis par Stéphane Délétroz
Adaptation web: Eric Butticaz