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Pourquoi le QI des jeunes est en baisse depuis quatre décennies

Plusieurs études montrent que le score aux tests de QI des jeunes baisse. [Photononstop/AFP - Sébastien Rabany]
Le QI des jeunes est en baisse depuis quatre décennies / La Matinale / 2 min. / le 18 juin 2018
Plusieurs études montrent que le score aux tests de QI des jeunes baisse depuis quelques décennies. Des facteurs environnementaux comme le système éducatif ou la consommation des médias pourraient jouer un rôle.

Pendant une bonne partie du XXe siècle, le score des jeunes aux tests de QI a constamment augmenté. C'est ce qu'on a appelé "l'effet Flynn". Mais plusieurs études ont montré que cette tendance s'est inversée au cours des dernières décennies - chez les hommes en tout cas, puisque ces données sont souvent extraites de registres militaires.

Et une étude norvégienne publiée la semaine dernière confirme le phénomène. Elle montre que le QI a augmenté de 0,2 point par année pour les jeunes conscrits nés entre 1962 et 1975, puis a baissé d'un tiers de point par an entre 1975 et 1991.

Le poids des facteurs environnementaux

Les chercheurs du Centre Frisch d'Oslo ont également analysé les différences de QI au sein des fratries, pour voir si le déclin général se retrouve aussi entre un frère aîné et son cadet. "Nous constatons que la tendance est à peu près exactement la même au sein des familles qu'entre une famille et l'autre", explique l'un des auteurs de l'étude, Ole Rogeberg. "Ce qui nous amène à conclure que ces changements doivent être dus à des facteurs environnementaux: quelque chose qui affecte différemment les enfants nés au cours d'années différentes, même s'ils ont les même parents."

Ces résultats écartent la piste génétique, puisque deux enfants de mêmes parents sont issus du même pool de gènes. Ils écartent aussi les facteurs environnementaux identiques pour tous les enfants d'une famille, comme le niveau d'éducation des parents ou leurs principes éducatifs.

L'évolution de la société en question

Pour les scientifiques, il faut donc chercher une explication du côté des facteurs environnementaux qui évoluent d'une année à l'autre pour tout le monde. "Des choses comme un changement dans le système éducatif ou dans la consommation de médias par exemple; si les gens lisent moins et regardent plus la TV ou YouTube ou s'il y a des changements dans la nutrition, dans l'activité physique, qui détériorent la santé et pourraient aussi influencer le QI", poursuit Ole Rogeberg.

La piste des perturbateurs endocriniens - souvent évoquée - reste aussi compatible avec ces résultats, tout comme une explication nettement plus simple: il est possible que ces tests soient tout simplement dépassés.

Lucia Sillig/oang

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"Impossible de dire si l'intelligence de la population décroît"

Maître d’enseignement et de recherche en psychologie différentielle à l’Université de Genève, Thierry Lecerf souligne qu'il faut relativiser ces tests. "Je suis incapable de dire si - même d'un point de vue biologique - on aurait atteint une limite de développement intellectuel", reconnaît-il dans la Matinale de la RTS. "Ce n'est pas possible de dire si l'intelligence de la population décroît."

Les tests de QI sont des tests de performances qui sont censés évaluer les capacités intellectuelles générales, rappelle l'enseignant. "Et je n'ai pas beaucoup d'éléments qui me font dire que les capacités d'intelligence de nos concitoyens sont en train de décliner."

Thierry Lecerf rappelle également que les tests d'intelligence sont réadaptés tous les dix ans pour qu'ils correspondent au contexte socio-culturel. "La comparabilité des différentes versions des tests doit donc être relativisée." L'intelligence est définie par chaque société, rappelle encore le chercheur. "Les tests d'intelligence n'évaluent que certaines compétences intellectuelles (…), ce qui veut dire que les tests sont partiels et partiaux, ils n'évaluent pas toutes les formes d'intelligence."

>> Regarder l'interview de Thierry Lecerf dans la Matinale:



Propos recueillis par Romaine Morard