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Trois patients atteints de paraplégie remarchent grâce à un implant

Des paraplégiques retrouvent la mobilité grâce à une technologie révolutionnaire
Des paraplégiques retrouvent la mobilité grâce à une technologie révolutionnaire / 19h30 / 1 min. / le 31 octobre 2018
Des chercheurs de l'EPFL et du CHUV ont réalisé un implant sans fil qui envoie des stimulations électriques dans la moelle épinière des patients. Après quelques mois, ils sont capables de faire certains mouvements, même sans stimulation électrique.

Les trois patients ont pu remarcher avec l'aide de béquilles ou d'un déambulateur. Les chercheurs lausannois ont appliqué une méthode améliorée combinant stimulation électrique et entraînement intensif.

Dans une double étude publiée mercredi dans les revues Nature et Nature Neuroscience, Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch montrent qu'après cinq mois d'entraînement, les patients ont recouvré le contrôle des muscles de leurs jambes, jusqu'ici paralysés, même en l'absence de stimulation électrique.

Stimulation électrique et support de poids corporel

David marche avec un soutien du poids corporel. [Jean Baptiste Mignardot]
David marche avec un soutien du poids corporel. [Jean Baptiste Mignardot]

Ces trois personnes paraplégiques avaient subi des blessures de la moelle épinière il y a plusieurs années (entre quatre et sept ans). Elles ont bénéficié de nouveaux protocoles de réhabilitation qui combinent une stimulation électrique ciblée de la moelle épinière lombaire et une thérapie de support de poids corporel.

Appelée STIMO (pour Stimulation Movement Overground), ce système établit un nouveau cadre thérapeutique pour améliorer la réhabilitation, selon ses auteurs. A la différence de deux études indépendantes publiées récemment aux Etats-Unis sur un concept similaire, ces travaux montrent que la fonction neurologique subsiste au-delà des séances d'entraînement, même lorsque la stimulation électrique est coupée.

Meilleure compréhension

La plate-forme expérimentale des chercheurs. [CHUV/EPFL]
La plate-forme expérimentale des chercheurs. [CHUV/EPFL]

"Nos découvertes se fondent sur une compréhension approfondie des mécanismes sous-jacents, que nous avons acquise au cours de nombreuses années de recherches sur des modèles animaux. Désormais, nous connaissons mieux les régions à solliciter et comment la stimulation électrique atteint ces régions", a expliqué Grégoire Courtine, neuroscientifique de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

"A partir de là, nous avons été en mesure de reproduire en temps réel la manière dont le cerveau active naturellement la moelle épinière", précise-t-il.

"Tous les patients ont pu marcher en l'espace d'une semaine avec un soutien du poids corporel. J'ai su immédiatement que nous étions sur la bonne voie", ajoute Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV/Université de Lausanne), qui a placé les implants sur les patients.

>> Lire aussi : La neurotechnologie promet de nouveaux espoirs face à la paralysie

Un dur entraînement

Pour les patients, le défi consistait à apprendre comment coordonner les intentions de leur cerveau en vue de la marche avec la stimulation électrique ciblée. Cela n'a pas été long.

David bénéficie de la stimulation électrique ciblée. [Jean Baptiste Mignardot]
David bénéficie de la stimulation électrique ciblée. [Jean Baptiste Mignardot]

"Les trois participants de l'étude ont pu marcher, aidés par un harnais supportant le poids de leur corps, après seulement une semaine de calibration. Et le contrôle volontaire des muscles s'est énormément amélioré en l'espace de cinq mois d'entraînement", note le professeur Courtine.

"Le système nerveux humain a répondu encore plus profondément au traitement que nous ne le pensions", dit-il. Il n'en reste pas moins que cela implique pour les patients un "dur" entraînement, une réhabilitation intensive de plusieurs mois, relève le chercheur.

"C'est un premier pas important pour les paraplégiques", conclut Grégoire Courtine. Il souligne l'importance d'appliquer un tel traitement très tôt, lorsque le potentiel de rétablissement est élevé et que le système neuromusculaire n'a pas encore subi le phénomène d'atrophie consécutif à la paralysie chronique.

"Un grand moment pour moi"

Parmi les trois participants figure le Romand Sébastian Tobler, victime d'un accident en 2013.

"Je me suis mis debout, pour la première fois, quatre ans après mon accident", raconte-t-il au 19h30. "Et ça a été un grand moment pour moi, d'autant plus que je suis la personne la plus atteinte parmi les trois qui ont participé à cette étude."

Cet essai clinique de six mois au CHUV ont été durs. "Cela demande pas mal physiquement, mentalement, c'est un grand travail d'équipe", raconte Sébastien Tobler. "Il faut réussir à prendre le contrôle de ses jambes (…), cela a fonctionné et on voit des résultats prometteurs."

>> Regarder le témoignage de Sébastian Tobler dans le 19h30 :

Sébastian Tobler, tétraplégique, a participé à des essais cliniques pour remarcher
Sébastian Tobler, tétraplégique, a participé à des essais cliniques pour remarcher / 19h30 / 3 min. / le 31 octobre 2018

ats/sjaq

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Repousse de connexions nerveuses

"Le timing et la localisation de la stimulation électrique sont essentiels pour la capacité du patient à produire un mouvement volontaire. C'est aussi cette coïncidence spatio-temporelle qui déclenche la croissance de nouvelles connexions nerveuses", détaille Grégoire Courtine.

Les scientifiques avaient démontré ces dernières années sur des rats ayant bénéficié du même traitement que des connexions nerveuses repoussent. "Il n'est pas possible d'aller le vérifier sur des humains, mais nous supposons qu'il se passe la même chose", indique le professeur lausannois.

Reproduire les signaux du cerveau

"La stimulation doit être aussi précise qu'une montre suisse. Nous implantons une série d'électrodes au-dessus de la moelle épinière, qui nous permet de cibler des groupes individuels de muscles de la jambe", explique Jocelyne Bloch.

"Des configurations spécifiques d'électrodes activent des zones spécifiques de la moelle épinière, reproduisant ainsi les signaux que le cerveau lancerait pour produire la marche", ajoute la chercheuse.

Aider le cerveau à s'aider lui-même

Les trois patients traités à l'EPFL et au CHUV ont notamment entraîné leurs capacités de marche en laboratoire pendant de longues périodes. Lors de ces séances sur tapis roulant, ils ont été capables de marcher sans l’aide de leurs mains sur plus d'un kilomètre, avec une stimulation électrique et un système intelligent de soutien du poids corporel.

Ces séances d'entraînement, de longue durée, très intenses, se sont avérées cruciales pour déclencher une plasticité liée à l'activité - la capacité intrinsèque du système nerveux à réorganiser les fibres nerveuses. C'est elle qui conduit à une fonction motrice améliorée, même lorsque la stimulation électrique est interrompue.

Stimulation électrique

De précédentes études recourant à des approches plus empiriques, telles que des protocoles de stimulation électrique en continu, avaient montré qu'un nombre restreint de paraplégiques peuvent effectivement faire quelques pas avec des aides à la marche et une stimulation électrique.

Mais c'est le cas seulement sur de courtes distances, et aussi longtemps que la stimulation est active. Dès que celle-ci est interrompue, les patients reviennent immédiatement à leur état précédent de paralysie, et ne sont plus capables d'activer des mouvements des jambes.