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"En Suisse, les élus sont réticents à la notion de l'environnement"

L'invité de Romain Clivaz (vidéo) - Bertrand Piccard, psychiatre et aventurier
L'invité de Romain Clivaz (vidéo) - Bertrand Piccard, psychiatre et aventurier / La Matinale / 12 min. / le 14 décembre 2018
Tout juste rentré de la COP24 en Pologne, le président de la fondation Solar Impulse Bertrand Piccard veut privilégier les questions financières et économiques, avant l'argument environnemental, pour lutter efficacement contre les changements climatiques.

"Ce qui crée les changements climatiques, ce sont des émissions de CO2 dues au gaspillage d'énergie et à des tas de choses inventées au début de l'ère pétrolière. C'est totalement logique de moderniser nos infrastructures et d'investir. C'est un investissement. Il faut faire cette modernisation indépendamment des changements climatiques", a déclaré l'explorateur vaudois vendredi dans La Matinale de la RTS.

"En Suisse, je suis allé au Conseil des Etats rencontrer plusieurs parlementaires qui étaient un peu réticents à toute cette notion d'environnement. Je leur ai dit que je venais leur parler des technologies propres qui permettent de créer des emplois et de développer l'industrie. Ils m'ont répondu que j'étais le bienvenu, et qu'ils avaient eu très peur que je vienne pour parler de protection de l'environnement", relève Bertrand Piccard.

"On peut augmenter la croissance en diminuant le CO2"

Mardi, le Conseil national rejetait la loi sur le CO2, qui devait permettre de respecter les engagements de l'Accord de Paris sur le climat. Une décision que le pilote suisse déplore: "Il y a beaucoup de pays qui ont compris qu'il ne s'agit même pas simplement de découpler les émissions de CO2 et la croissance, tout le monde sait que c'est possible. Mais on peut même augmenter la croissance en diminuant le CO2."

D'après Bertrand Piccard, la Suède et la Californie, notamment, ont de l'avance sur cette notion. "Ils ont vu qu'ils deviennent paradoxalement beaucoup plus compétitifs. En Suisse, c'est sous cet angle là qu'il faut aller. Il faut obliger les industries à se moderniser et à émettre moins de CO2 pour économiser de l'argent et des ressources naturelles. Rien que pour l'économie, cela vaut la peine", assure-t-il.

Le baromètre Donald Trump

Pour convaincre, Bertrand Piccard veut s'appuyer sur des arguments concrets, comme la mortalité causée par la pollution de l'air, ainsi que sur la finance, l'emploi et le pouvoir d'achat: "Tous les arguments que je donne, je devrais être capable de les donner à Donald Trump. Si ça passe chez lui, ça passera dans le reste du monde."

Lors de la 24e Conférence de l'ONU sur le climat à Katowice, le pilote suisse s'est rendu compte que deux mondes s'opposent. "Il y a les négociateurs puis il y a les institutions et les entreprises, tout ceux qui ont compris que la lutte contre les changements climatique sont des opportunités pour pousser l'industrie à se moderniser. Ça donne du courage et de l'espoir."

"Ils ont peur de l'inconnu"

"Je crois qu'il y a trois types de personnes dans cette histoire: il y a ceux qui savent que c'est rentable et qui veulent y aller, il y a ceux qui n'ont pas encore compris que c'est rentable, et il faut les encourager en les informant, et il y a ceux que quoi que vous fassiez, n'iront pas", estime Bertrand Piccard.

Pour le natif de Lausanne, le gaspillage d'énergie et de ressources naturelles implique un énorme gaspillage d'argent. "Beaucoup de gens n'y comprennent rien parce qu'ils ont simplement envie de faire durer le système, parce qu'ils ont peur du changement. Ils ont peur de l'inconnu, ils ne veulent pas remettre en question quelque chose qui rapporte. Pourquoi changer ce qui marche?".

Propos recueillis par Romain Clivaz

Adaptation web: Guillaume Martinez

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