Grâce à leurs recherches menées dans les cantons de Vaud et du Valais, l'étude de l'EPFL, parue lundi dans Nature Geoscience, démontre que la vitesse réelle des échanges gazeux entre l'eau des torrents agités de montagne et l'atmosphère a été sous-estimée par un facteur de 100 en moyenne.
La raison de cette imprécision importante réside dans le fait que, jusqu'à présent, c'étaient les ruisseaux de plaine qui servaient de référence. Et non ceux d'altitude, bien plus tumultueux.
Un calcul bien plus exact
Le Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER) de l'EPFL est à l’origine de cette étude qui a été menée avec 130 capteurs environnementaux placés dans les eaux du Val Ferret, du Grand Saint-Bernard, de Champéry et du Vallon de Nant.
Pour mesurer la vitesse d'échange de gaz aussi précisément que possible, la première auteure de l'étude, Amber Ulseth, et ses collègues ont ajouté de petites quantités d'argon comme gaz traceur dans les courants. L'argon est un gaz naturel inoffensif pour les écosystèmes aquatiques.
En utilisant des méthodes analytiques de pointe en laboratoire, les chercheurs ont pu quantifier la perte d'argon de l'eau du ruisseau. Ensuite, ils ont modélisé la vitesse d'échange de gaz à partir de la perte en aval du gaz traceur dans le cours d'eau. C'est ainsi que leurs résultats ont révélé une vitesse d'échange gazeux dans les eaux montagneuses en moyenne 100 fois plus élevée que ce qui avait été calculé à partir de gaz traceurs dans des cours d'eau de basse altitude.
Une découverte importante
Considérant que plus de 30% de la surface de la Terre est recouverte de montagnes, les conséquences de cette découverte sont considérables.
Le SBER est déjà en train de mettre au point un nouveau modèle pour prédire les émissions de CO2 des torrents de montagne à l’échelle mondiale.
Sujet radio: Julie Rausis
Article web: Stéphanie Jaquet
Prendre en compte les turbulences
Dans les écosystèmes aquatiques, comme les océans, les ruisseaux et les lacs, de nombreux organismes, allant des bactéries aux poissons, respirent de l'oxygène et expirent du CO2.
Ces gaz doivent ainsi être continuellement "échangés" de l'atmosphère à l'eau et inversement. Comme les ruisseaux de montagne s'écoulent souvent sur des pentes abruptes et des terrains accidentés, beaucoup de turbulence et de bulles d'air sont emprisonnées dans l'eau.
Les bulles accélèrent les échanges gazeux
A l’œil nu, l'eau paraît alors blanche. La présence de bulles accélère les échanges gazeux. Le même mécanisme est à l'œuvre lorsque des vagues blanches apparaissent à la surface d'une mer agitée.
Jusqu'à présent, les scientifiques avaient ignoré le cas singulier des ruisseaux de montagne et avaient utilisé la même approche pour calculer les vitesses d'échange de gaz en montagne que dans les cours d'eau calmes de plaine.