Utilisant des données satellites et des modèles informatiques, une équipe internationale de scientifiques a analysé près de 12 millions de kilomètres de fleuves et rivières dans le monde, créant la première cartographie mondiale de l'impact des constructions humaines sur ces cours d'eau.
Publiée cette semaine dans la revue Nature, l'étude conclut que seuls 37% des 246 cours d'eau dépassant 1000 km sont encore "à courant libre", c'est-à-dire libres d'aménagements entravant leur cours naturel, et seulement 21 fleuves gardent un cours ininterrompu entre la source et la mer.
2,8 millions de barrages hydroélectriques
Les chercheurs pointent surtout la responsabilité des routes dans les plaines inondables, des réservoirs, mais surtout des barrages hydroélectriques. Il en existe aujourd'hui 2,8 millions dans le monde, dont 60'000 barrages d'au moins 15 mètres de haut. Et plus de 3700 barrages hydroélectriques sont en cours de construction ou en projet.
Dans un monde qui subit déjà les impacts du changement climatique, les chercheurs s'interrogent en conséquence sur le développement de cette énergie plus propre que le pétrole ou le charbon en termes d'émissions de gaz à effet de serre.
Changer l'approche face à l'hydroélectricité
"L'hydroélectricité a inévitablement un rôle à jouer dans la révolution des énergies renouvelables, mais nous devons changer notre approche", souligne Michele Thieme, de l'ONG WWF, qui a participé à l'étude.
"Les énergies renouvelables sont comme une recette: vous devez trouver le bon mélange pour avoir à la fois un réseau énergétique durable et un monde naturel prospère", illustre-t-elle, estimant que le solaire et l'éolien "bien planifiés" pouvaient être des "options plus viables pour les cours d'eau" et ceux qui en dépendent.
afp/oang
Des cours vitaux pour l'environnement et les humains
Les cours d'eau qui restent les plus sauvages se trouvent principalement dans des régions très isolées comme l'Arctique, l'Amazonie et le bassin du Congo.
Ces cours d'eau à courant libre "sont tout aussi importants pour les humains que pour l'environnement", relève Günther Grill, de l'université canadienne McGill.
Ces écosystèmes et les poissons qui y vivent sont ainsi cruciaux pour la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes, mais ils permettent aussi de protéger contre les inondations et d'apporter les sédiments dans les grands deltas.
Le Mékong particulièrement menacé
Les auteurs de l'étude s'inquiètent en particulier de la situation du Mékong, qui sillonne l'Asie du Sud-Est entre la Chine et le Vietnam.
"Dans ce bassin, plus de 60% de la population dépend de la pêche et plus d'un million de tonnes de poissons d'eau douce sont pêchés chaque année", explique à l'AFP Bernhard Lehner, professeur à l'université canadienne McGill.
"Il y a de nombreux barrages prévus sur le Mékong, et il est probable qu'ils auront un impact négatif sur beaucoup d'espèces de poissons", a-t-il ajouté.