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"Les pays d'Asie manquent d'infrastructures" pour gérer les déchets

"Les Philippines ne sont pas un dépotoir!", c'est ce que dit ce panneau, devant un cargo qui renvoie plusieurs tonnes de déchets expédiés par le Canada. [Keystone /AP]
Toujours plus de frontières asiatiques fermées aux déchets occidentaux: interview de Xavier Mahue / La Matinale / 6 min. / le 31 mai 2019
Longtemps considérés comme le "dépotoir" de l'Occident, des pays d'Asie disent aujourd'hui stop. Le directeur du centre de tri Retripa Xavier Mahue y voit aussi la chance d'améliorer les infrastructures proches de nous.

Destination privilégiée des pays occidentaux pour recycler ou se débarrasser d'une partie de leurs ordures, la Chine a fermé ses frontières en 2018. Aujourd'hui, c'est en Malaisie que sont principalement envoyés les déchets plastiques. De janvier à juin 2018, plus de 200'000 tonnes y sont par exemple arrivées au départ des Etats-Unis, 110'000 du Japon ou plus de 90'000 tonnes du Royaume Uni.

Mais Kuala Lumpur a annoncé il y a quelques jours le renvoi de 450 tonnes de déchets plastique à plusieurs pays, dont l'Australie, le Bangladesh, le Canada, la Chine, le Japon, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis.

Vendredi, les Philippines ont de leur côté initié le renvoi par cargo de plusieurs tonnes de déchets plastiques au Canada, qui les a expédiés il y a cinq ans et s'était pourtant engagé à les reprendre d'ici au 15 mai. La tension était telle que Manille s'était dit prête à rompre les liens diplomatiques avec Ottawa.

Le tweet du ministre philippin des Affaires étrangères Teodoro Locsin:

Distinguer les types de déchets

"On dit "les" matières plastiques, et aujourd'hui on les mélange beaucoup. Il faut savoir que certaines sont propres et valorisables, et d'autres pas", précise dans La Matinale Xavier Mahue, directeur de Retripa, société spécialisée dans le recyclage basée à Crissier (VD). Et si le tri n'a pas été fait correctement en amont, cela peut coûter cher aux entreprises. Celles d'Asie du Sud-Est sont aujourd'hui débordées et des tonnes de plastique se retrouvent dans la nature.

>> Lire aussi : Accord à l'ONU sur une meilleure traçabilité des déchets plastiques

Avec cette confusion, délibérée ou non, certaines ordures non triables finissent dans les filières destinées aux déchets recyclables. "Aujourd'hui, ces pays d'Asie manquent d'infrastructures pour les laver, les broyer, les préparer", continue Xavier Mahue. "Rien que pour les nettoyer, il faut un traitement des eaux et ils ne sont pas suffisamment équipés pour cela."

La Suisse "peu concernée"

Équipée d'incinérateurs, la Suisse est "peu ou pas concernée" par ces exportations problématiques. "Aujourd'hui les déchets expédiés en dehors de nos frontières sont ces grandes balles de plastique noir ou de films transparents, d'emballage. Ils sont très bien recyclés, même en Europe", assure Xavier Mahue. Une partie de ces plastiques peuvent être consommés comme énergie dans les incinérateurs du continent, brûlés dans les cimenteries ou alors recyclés en tant que matière.

Selon le spécialiste, la saturation des pays du Sud-Est dans cette "guerre des déchets" intercontinentale signifie aussi la création de nouveaux centres de recyclage en Europe. Le continent a une carte à jouer "en tant que producteur et acteur du tri et de la revalorisation des matières. Après, c'est un problème d'éthique, de contrôle et d'économie [...] et il faudra investir." Et le directeur de rappeler que trier est aussi la responsabilité du consommateur.

Propos recueillis par Yann Amedro

Adaptation web: Alexia Nichele

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300 millions de tonnes par année

Environ 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). Et l'essentiel finit dans des décharges ou dans les océans, générant une pollution que la communauté internationale est actuellement incapable de gérer.

On estime à 9% la quantité de plastique produite entre 1950 et 2015 qui a été recyclée.