Certains apprécient leurs cris: ça leur rappelle les vacances sur une plage de sable au bord de la mer. Mais le goéland n'est pas très apprécié des habitants de Neuchâtel qui voient en lui une figure digne d'un film d'Alfred Hitchcock...
Sébastien Bardet, le garde-faune de Neuchâtel, doit souvent intervenir sur les toits plats de la ville: plus de cinquante couples y nichent. Presque autant de plaintes sont déposées chaque année par les locaux, surtout au printemps: "Ils se plaignent principalement de nuisances sonores, parce que le goéland, dès 5h du matin, il est réveillé! Les gens ne peuvent pas profiter de leurs balcons, ils se font attaquer parce que, pour le goéland, c'est son milieu et puis il défend ses petits".
Le goéland est un oiseau "vocal" dont chaque cri a une fonction particulière. Sa fameuse "clameur" qui peut exaspérer retentit en général pendant la période de nidification, de mars à août; puis il redevient silencieux.
Une espèce protégée
L'espèce – de la famille des laridés, comme les mouettes – est protégée en Suisse; le goéland leucophée est le seul goéland nicheur de notre pays. Son cousin, le goéland argenté est l'équivalent nordique du leucophée: il n'atteint la Suisse qu'en petit nombre en hiver.
Seule solution pour empêcher cet oiseau – qui peut atteindre 120 à 140 centimètres d'envergure – de nicher: poser des filets avant qu'il ne ponde.
Le goéland se royaume sur le lac de Neuchâtel: il a remonté le Rhône depuis la Méditerranée, pour nicher pour la première fois dans la réserve naturelle du Fanel en 1968. Depuis, son nombre explose: il atteint plus de mille couples nicheurs.
Les mouettes rieuses ne rigolent presque plus depuis l'arrivée de ce squatteur. Et les canetons deviennent un mets de choix: "Il vient, et il les bouffe!" s'exclame Martin Zimmerli, ornithologue: "Il y a un problème d'équilibre. Beaucoup de nos oiseaux d'eau forment déjà des populations petites, voire très petites. Ça devient rare, sur la rive sud, d'observer des femelles canards avec un bon nombre de jeunes".
De nouvelles zones de nourrissage et de reproduction
Profitant de la pêche et de l'agriculture, le goéland a conquis le littoral. Il cherche maintenant à s'installer ailleurs, et même à 1000 mètres d'altitude! Michel Amez-Droz, ornithologue, les observe depuis 2015; ils ont même toqué à sa fenêtre: "C'est assez impressionnant parce que leur bec doit bien faire dix centimètres".
Selon lui, c'est l'augmentation de la population en général qui pousse le goéland plus loin: "Il cherche d'autres zones de nourrissage et éventuellement de reprodution. Il y a eu des observations d'accouplement qui ont été faits. Ce qui laisse supposer qu'ils pourraient vouloir s'installer à La Chaux-de-Fonds. Ce n'est pas forcément un exotisme réjouissant", conclut-il. Il faut donc éviter de les nourrir.
Quant au statut protégé du goéland, il sera prochainement rediscuté aux chambres fédérales.
Sujet télévisé: Léa Jelmini et Matthieu Oppliger
Adaptation web: Stéphanie Jaquet