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Des funérailles en montagne pour le Pizol, un glacier suisse disparu

Des funérailles ont été organisées pour le glacier du Pizol dans le canton de Saint-Gall
Des funérailles ont été organisées pour le glacier du Pizol dans le canton de Saint-Gall / 19h30 / 1 min. / le 22 septembre 2019
Dimanche une longue "marche funèbre" en montagne commémore la disparition d'un des glaciers alpins les plus étudiés, le Pizol, évaporé sous l'effet du réchauffement climatique. Pendant ce temps, en Autriche, un glacier est détruit à coup de bulldozers.

Cette cérémonie funèbre intervient alors que le sommet spécial de l'ONU sur le climat réunira lundi à New York plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, qui sont appelés à renforcer leurs engagements pour limiter le réchauffement du globe à 1,5°C ou 2°C, par rapport à la période préindustrielle, au XIXe siècle.

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En Suisse, le Pizol "a tellement perdu de sa substance que, d'un point de vue scientifique, il n'est plus du tout un glacier", souligne Alessandra Degiacomi, de l'Association suisse pour la Protection du Climat, une des ONG à l'origine des funérailles.

Après une balade d'environ deux heures, quelque 250 participants, en habits de deuil, ont rejoint dans la journée, sous un ciel nuageux, le pied de cet ancien glacier escarpé, proche des Grisons. Une couronne de fleurs a été déposée mais aucune plaque commémorative n'a été laissée sur place, contrairement à ce qu'avaient fait les Islandais le 18 août, à la mémoire de l'Okjökull, le premier glacier de l'île à avoir perdu son statut.

>> Lire : L'Islande honore son premier glacier englouti par le réchauffement

"Nous sommes là pour dire 'Au revoir'" au Pizol, a déclaré Matthias Huss, directeur du réseau des relevés glaciologiques suisses (Glamos). Eric Petrini, l'aumônier paroissial de Mels, la commune où se situait le glacier, en a appelé "à l'aide de Dieu pour relever le défi énorme du changement climatique".

Le glacier du Basòdino recule chaque année de 8 à 10 mètres. Tessin, le 18 septembre 2019. [Keystone/Ti-Press - Francesca Agosta]
Le glacier du Basòdino recule chaque année de 8 à 10 mètres. Tessin, le 18 septembre 2019. [Keystone/Ti-Press - Francesca Agosta]

En 169 ans, 500 glaciers suisses ont fondu

En Suisse comme en Islande, deux pays connus pour leurs glaciers, l'inquiétude des scientifiques est la même face au réchauffement climatique. "Depuis 1850, on estime qu'il y a plus que 500 glaciers suisses qui ont complètement disparu", dont seulement 50 avaient un nom, explique Matthias Huss, glaciologue à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, qui sera au Pizol: "Alors Pizol, ce n'est pas le premier. Mais, on peut le considérer comme le premier glacier suisse en train de disparaître qui a été très bien étudié", et ce depuis 1893, a-t-il souligné.

Le constat est sans appel: depuis 2006, le glacier a perdu environ 80 à 90% de son volume. Seuls subsistent quelque 26'000 m², soit "moins que quatre terrains de football", a détaillé Matthias Huss.

Selon le Réseau suisse de relevés glaciologiques (GLAMOS), le glacier du Pizol appartenait à la classe de taille des "glacierets", soit de très petits glaciers, qui représentent près de 80% du nombre total des glaciers suisses.

Situé à une altitude relativement basse – de 2630 à 2780 mètres d'altitude – il dépendait des fortes quantités d'accumulation hivernale de neige.

>> Lire : Les glaciers suisses enregistrent une fonte presque record en 2017

Une fonte à plus de 90% d'ici la fin du siècle

A l'image du Pizol, les quelque 4000 glaciers alpins, attraits touristiques qui fournissent aussi de l'eau en été à des millions de personnes, risquent de fondre à plus de 90% d'ici la fin du siècle si rien n'est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, selon une étude de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Et quels que soient les efforts faits pour réduire les émissions, les Alpes perdront au moins la moitié de leurs glaciers.

Situé en Suisse, le glacier d'Aletsch, le plus grand des Alpes, pourrait ainsi disparaître d'ici à 2100 si rien n'est fait pour freiner le réchauffement climatique.

Le glacier d'Aletsch en octobre 2018. [Keystone - Anthony Anex]
Le glacier d'Aletsch en octobre 2018. [Keystone - Anthony Anex]

Les funérailles du Pizol sont donc, pour les ONG qui organisent l'événement dont Greenpeace, l'occasion de rappeler que le changement climatique met aussi en péril "nos moyens de subsistance" et menace "la civilisation humaine telle que nous la connaissons en Suisse et dans le monde entier".

C'est pour cette raison que l'Association suisse pour la Protection du Climat a lancé une initiative populaire, dit "Initiative pour les glaciers", qui exige que les émissions nettes de gaz à effet de serre en Suisse soient réduites à zéro au plus tard jusqu'en 2050.

>> Lire : L'initiative pour les glaciers a déjà récolté 120'000 signatures

Alors que l'urgence climatique est en tête des préoccupations des Suisses, aux côtés des frais de santé, le gouvernement s'est aussi emparé du dossier, déclarant à son tour fin août que la Suisse doit réduire à zéro ses émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2050.

Stéphanie Jaquet et l'afp

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Un glacier détruit au bulldozer en Autriche

Sacrifié sur l'autel des pistes de ski, le glacier du Pitztal – le plus haut du Tyrol – est détruit à coups de pelleteuses et de bulldozers (voir les images datant du 27 août ci-dessous). C'est le WWF qui l'a révélé début septembre.


A plus de 3000 mètres d'altitude, les machines creusent afin de préparer le terrain pour les futurs skieurs. Des travaux qui ont aussi pour but de fusionner deux stations de la région.

64 hectares de glacier – soit 90 terrains de football – seront nivelés rien qu'au Pitztal. Et ce n'est que la pointe de l'iceberg: "Partout dans les Alpes de petits projets similaires sont en cours", prévient Tobias Hipp, expert en climat du Club alpin allemand. "Partout de nouvelles remontées mécaniques rognent morceau par morceau les espaces naturels".