Fin septembre, le Conseil des Etats a adopté une révision de la loi sur le CO2 qui prévoit des valeurs limites d'émissions de gaz à effet de serre pour les bâtiments. Et ce ne sera pas sans conséquences, même si le secteur a fait beaucoup de progrès.
Commencer par assainir le parc existant
L'Etat, lui, subventionne de plus en plus la construction de bâtiments performants en matière énergétique et écologique. Mais beaucoup d'architectes estiment qu'il faudrait déjà assainir tout le parc immobilier existant - qui est un gros pollueur. Et certains de ces bâtisseurs mettent en cause la notion même de "bâtiments performants". Pour eux, à l'exemple de l'architecte Laurent Guidetti (bureau lausannois TRIBU architecture) qui dénonce la course aux nouvelles technologies, le durable n'est pas forcément là où l'on pense.
Des technologies pas forcément durables
"Il y a une sorte de mythe technophile qui nous pousse à créer de la domotique, mettre de la ventilation contrôlée, toute une série de choses qui peut-être un jour seront plus compliquées à assurer", fait-il remarquer mercredi dans La Matinale. "On a des panneaux solaires photovoltaïques en toiture, des sondes géothermiques pour amener du chauffage... Tout ça c'est très bien, mais est-ce que c'est vraiment durable", s'interroge-t-il. "Qui est capable parmi les habitants de notre coopérative de réparer un panneau solaire? De charger cette énergie dans des batteries? La construction de ces panneaux, de cette batterie n'a-t-elle pas une énergie grise énorme?"
Laurent Guidetti plaide donc pour des techniques plus simples, plus sobres. C'est ce qu'on appelle le "low-tech".
Les villes doivent savoir absorber les chocs
Et pour certains bâtisseurs, les individus devraient aussi être mieux intégrés dans cette notion de durabilité. Il est important de tenir compte de la planète, disent-ils, mais aussi des effets du réchauffement sur la population. C'est l'idée de ville résiliente.
"La résilience", explique Laurent Guidetti, c'est aussi savoir absorber des chocs sociaux, économiques, importants. Par exemple une migration massive: comment la ville peut-elle absorber des migrations telles qu'elles sont annoncées par les experts du GIEC? On doit inventer une ville beaucoup plus souple, beaucoup plus agile, à ces changements qui ne sont pas juste le réchauffement."
Il s'agirait donc d'une ville capable de s'adapter aux événements climatiques, aux catastrophes naturelles, et de fonctionner à nouveau normalement aussi vite que possible.
Les citoyens devront aussi s'adapter
Pour Nelly Niwa, directrice du Centre interdisciplinaire de durabilité à l'Université de Lausanne, les habitants devraient aussi être acteurs de ce changement. La société doit s'adapter mais a besoin pour cela d’un cadre donné par les architectes et les urbanistes. Et c'est peut-être ça l'avenir des bâtisseurs, estime-t-elle: organiser le logement en fonction des besoins.
Il s'agirait de construire des logements plus petits mais compensés par des espaces collectifs peut-être plus importants: "Comment pourrait-on faire pour qu'une vieille dame qui a un logement de 120 m2 au centre-ville puisse l'échanger avec une famille qui cherche un logement plus grand?". Pour Nelly Niwa, il s'agirait peut-être d'avoir des logements évoluant en fonction de l'évolution des ménages (divorces, etc...)
"On parle beaucoup de solitude dans l'urbain. Si on avait plus de pièces collectives, peut-être qu'on arriverait à travailler là-dessus. Peut-être qu'on favoriserait l'intergénérationnel pour la garde d'enfants, pour le lien avec les personnes âgées, pour les personnes actives qui ont besoin aussi de temps en temps d'un coup de main."
Nelly Niwa est persuadée que les normes sociales peuvent évoluer. Elle cite l'exemple de la cigarette: au départ, les gens n'étaient pas du tout prêts à l'interdiction de fumer dans les lieux publics.
Pauline Rappaz/oang