Facteur parmi d'autres, ce nouveau sentiment qui touche certains passagers a sans doute contribué à freiner leur croissance, qui a faibli en septembre 2019 par rapport à la même période l'an dernier selon les chiffres publiés l'IATA.
Le patron de l'association, le Français Alexandre de Juniac, a annoncé cette semaine la riposte par le biais d'une "grande campagne", dans une interview à l'agence Reuters.
Je ne sais pas si l'on comprend bien que les émissions de l'aviation représentent 2% des émissions mondiales.
"Il y a un certain malentendu sur ce que l'aviation fait pour lutter contre le changement climatique ou du moins pour déduire les émissions", explique l'un des porte-paroles de l'IATA vendredi dans l'émission Tout un monde. "Ce que nous voulons faire, c'est tout d'abord donner à nos membres et à notre industrie les informations et les outils nécessaires pour pouvoir discuter (...) de ce que nous faisons pour améliorer l'empreinte environnementale de l'aviation."
Pour Chris Goater, il s'agit donc de dissiper les malentendus et remettre les faits au coeur des débats. "Je ne sais pas à quel point les gens savent par exemple que nous voulons réduire nos émissions de moitié d'ici 2050 par rapport à 2005", poursuit-il. "Il s'agit d'un engagement vraiment important que nous avons pris depuis dix ans. Je ne sais pas si l'on comprend bien que les émissions de l'aviation représentent 2% des émissions mondiales, que nous avons réduit de moitié nos émissions par passager depuis 1990. Donc le vol que vous avez pris en 1990, vous prenez le même aujourd'hui et vous émettez la moitié moins de carbone."
On découvre un peu naïvement que prendre l'avion génère énormément d'émissions de carbone.
Cette méfiance face à l'avion vient des pays nordiques, très sensibles à la cause environnementale, mais aussi et plus globalement de notre introspection sur notre empreinte carbone.
"Il y a de plus en plus d'évaluations de quels sont les impacts de nos différents types de consommation", relève Béatrice Parguel, chercheuse au CNRS. "On découvre un peu naïvement que prendre l'avion génère énormément d'émissions de carbone. On s'aperçoit que des consommateurs de pays particulièrement sensibilisés - l'Europe du Nord et notamment la Suède - vont commencer à tenir compte de cet impact de leur consommation et à s'interroger sur la nécessité de certains vols qu'ils pourraient faire."
Pourtant, de l'avis de cette spécialiste en psychologie de la consommation, "ce n'est pas ce qui va se passer en Suède, voire dans quelque temps dans les pays occidentaux, qui va remettre en cause le secteur." Car ce ne sont pas les pays occidentaux qui vont compter à l'avenir en matière de trafic aérien, mais l'Asie et notamment la Chine.
Les acteurs du transport aérien sont convaincus que des efforts sont faits mais la majorité des consommateurs ne le savent pas.
Et si l'IATA lance une campagne aujourd'hui, c'est parce que les professionnels du secteur aérien n'ont pas vraiment vu arriver ce changement de mentalité.
"Cette mauvaise image tient à un déficit de communication des acteurs qui, je pense, ont sous-estimé la menace et n'ont pas forcément bien vu la difficulté", analyse Paul Chiambaretto, professeur à la Montpellier business school. "La majorité des acteurs du transport aérien sont convaincus que des efforts sont faits, parce que c'est en lien avec leurs intérêts économiques (...) mais la majorité des consommateurs ne le savent pas."
Et ces efforts, précise celui qui est directeur d'une chaire consacrée à l'économie du transport aérien, sont un ensemble de petites mesures comme "changer les éclairages des pistes en les passant sur du LED, acheter de l'énergie verte en installant des panneaux solaires autour de l'aéroport ou en achetant auprès de parcs éoliens. Paul Chiambaretto relève que l'on peut aussi essayer de réduire la consommation des avions lorsqu'ils sont à l'aéroport "en essayant de réduire le temps de roulage ou en les faisant rouler avec un moteur en moins. On peut aussi décider de les brancher directement au sol plutôt que de faire fonctionner leur moteur auxiliaire pendant qu'ils sont en rotation."
L'aviation moins polluante qu'internet ou l'habillement
Toutes ces petites évolutions, mises bout à bout, ont un effet sur le bilan carbone des aéroports et des compagnies et font du secteur aérien un meilleur élève que d'autres industries: "Le secteur aérien représente entre 2 et 3% des émissions de CO2. Pourtant, la majorité des citoyens le mettent au même niveau que le secteur de l'habillement ou le secteur des activités via internet qui sont responsables de 4 à 5% pour internet, et 8% pour l'habillement", souligne Paul Chiambaretto.
Il n'empêche: la menace qui pèse sur le transport aérien est prise très au sérieux en Europe occidentale. Selon une récente étude d'UBS auprès des voyageurs occidentaux, une personne sur cinq dit voler moins par souci de respecter l'environnement.
Ce n'est pas demain que nous aurons des avions plus légers et donc que prendre l'avion sera écologique.
Et face à cette nouvelle sensibilité, l'aviation doit tenter de rendre son image plus verte. Pour cela, "la première chose que l'on peut faire est de recourir au 'greenwashing', le fait de se présenter comme plus écologique dans ses produits, ses services, qu'on ne l'est effectivement", explique Béatrice Parguel, spécialiste de la psychologie de la consommation.
"Une part de compagnies vont essayer de prendre des actions, des mesures, dans le bon sens", reconnaît-elle. "Mais ce n'est pas demain que nous aurons des avions plus légers et donc ce n'est pas demain que prendre l'avion sera écologique."
On ne sait pas encore exactement à quoi va ressembler la campagne de l'IATA. Mais il s'agira notamment de faire connaître les efforts du secteur pour améliorer son bilan carbone.
Blandine Levite/oang