Les aliments concernés sont aussi bien des légumes comme des poivrons, des piments, des haricots, des choux, que des fruits exotiques (ananas, citrons, bananes) et d'autres fruits comme des raisins ou des poires. Il s'agit également d'herbes de cuisine, de riz, de thé, de chocolat, d'épices, de graines oléagineuses ou encore de soupes et de sauces.
"Ce sont des denrées importées de pays où les pesticides dangereux interdits en Suisse restent autorisés", explique le responsable agriculture chez Public Eye Laurent Gaberell mercredi dans l'émission On en parle.
Focus sur des denrées asiatiques
Près de 50% des échantillons dans lesquels ces substances ont été détectées proviennent de Thaïlande, du Vietnam et d'Inde. "Mais il faut savoir que ce sont des denrées qui ont fait l'objet d'un plus grand nombre de contrôles à la suite de la découverte de dépassements des limites autorisées les années précédentes", précise-t-il. "En comparaison, on a réalisé beaucoup moins de contrôles sur des denrées en provenance de pays comme le Brésil, le Pérou, la Colombie ou l'Afrique du Sud, qui figurent pourtant parmi les principaux exportateurs de fruits en Suisse et qui sont de très gros utilisateurs de pesticides dont la toxicité est avérée".
L'effet boomerang de Syngenta
L'ironie de l'histoire, souligne Laurent Gaberell, "c'est que parmi les pesticides interdits les plus détectés dans nos aliments figurent des pesticides commercialisés par Syngenta, voire exportés par le géant bâlois depuis la Suisse ces dernières années. Et par le biais des importations alimentaires, ces substances reviennent dans nos assiettes".
Selon les analyses effectuées, près de 10% des denrées contrôlées et 20% des denrées importées de pays hors de l'Union européenne contenaient au total 52 substances différentes interdites en Suisse.
Neurotoxique et cancérogènes en première ligne
"C'est tout à fait inquiétant", souligne le responsable agriculture de Public Eye. "D'autant plus que parmi les plus détectées figurent des substances associées à des effets chroniques sur la santé. Le pesticide interdit le plus détecté s'appelle le profénofos. C'est un neurotoxique, il interfère avec le système nerveux central. Le deuxième et le troisième se nomment perméthrine et malathion, deux substances classées cancérogènes par le Centre de recherche international sur le cancer de l'OMS et l'agence américaine de protection de l'environnement. On trouve aussi des traces de pesticides récemment interdits comme le chlorpyrifos et le chlorothalonil dont les dangers sont bien connus".
Les concentrations sont généralement faibles, souligne cependant Laurent Gaberell. "Le consommateur suisse est exposé à des résidus, il faut être clair, c'est souvent en dessous des limites autorisées, mais on ne connaît pas les effets d'une exposition répétée sur le long terme".
Quinze pesticides dans un seul échantillon
Et de nombreuses denrées contiennent des résidus de multiples pesticides interdits. C'était le cas par exemple d'un échantillon de graines oléagineuses en provenance de Thaïlande et qui ne contenaient pas moins de quinze différents pesticides interdits. "Mais de notre point de vue, la situation est surtout préoccupante pour les agriculteurs, les populations et l'environnement dans les pays où sont produites ces denrées", relève-t-il.
Public Eye attend maintenant que les autorités suisses interdisent tant l'exportation de pesticides interdits en Suisse que l'importation de denrées qui contiennent des résidus de ce genre de pesticides. "Nous voulons que les autorités mettent enfin fin à ce double standard en matière de pesticides dangereux. On doit arrêter d'importer des denrées qui contiennent des résidus de ce genre de substances".
Propos recueillis par Philippe Girard/oang
Les "tolérances d'importation" suisses
Public Eye a constaté au cours de son enquête que la législation suisse établit le principe de l'absence de pesticides interdits en Suisse dans les aliments.
Mais l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) peut, "sur demande par exemple d'un pays exportateur ou d'un fabricant de pesticides, octroyer ce que l'on appelle une tolérance d'importation", indique Laurent Gaberell. Il peut établir une teneur maximale de résidus plus élevée sur la base d'une analyse des risques classique.
"La pratique semble généralisée", souligne-t-il. "Selon notre analyse, pour à peu près deux tiers des pesticides qui figurent sur la liste des pesticides interdits en Suisse, l'OSAV a établi une limite supérieure aux seuil de quantification".
Point de vue de l'OSAV
Invité à participer à l'émission, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) n’a pas souhaité s’exprimer en direct sur le sujet.
Mais dans un courrier envoyé à l'émission On en parle, il rappelle notamment qu'afin de faciliter les échanges commerciaux au niveau international, le Codex Alimentarius fixe des limites maximales de résidus pour un grand nombre de produits phytosanitaires qui doivent être prises en compte dans le commerce mondial, que le produit soit ou non autorisé en Suisse.
L'office assure que les tolérances d'importation sont définies de façon à ce que les consommateurs/trices puissent consommer ces denrées sans aucun danger pour leur santé. Il reconnaît cependant qu'il est difficile de savoir si la consommation de ces aliments représente un risque, "car un éventuel danger dépend des résidus identifiés".