Habituée aux conditions climatiques extrêmes, la ville russe de Verkhoïansk était surtout connue jusqu'ici pour être l'un des points les plus froids de la Terre. Il y a fait -67,8°C en 1892, rappelle le site météo The Weather Channel. Et en janvier dernier, le thermomètre est descendu à presque -60 degrés.
Jusqu'à ce week-end, la température la plus chaude avait été en registrée en 1988 avec 37,3 degrés. Et la moyenne à Verkhoïansk à cette période de l'année se situe vers 20 degrés.
Vague de chaleur printanière
Ce record de 38 degrés s'inscrit dans le cadre de la vague de chaleur qui touche la Sibérie depuis le printemps. Conjuguée à une fonte précoce des glaces au Groenland, elle ravive les préoccupations de la communauté scientifique à l'aube de l'été dans la région arctique.
Le début de la saison de la fonte des glaces au Groenland - défini comme le moment où celle-ci s'étend sur au moins 5% de la calotte glaciaire - a été enregistré cette année le 13 mai, selon l'Institut météorologique danois (DMI). Soit avec "près de deux semaines d'avance" par rapport à la date médiane issue de 40 ans de données, selon l'un de ses chercheurs.
L'institut a également noté une vague record de chaleur en Sibérie occidentale en mai. L'équipe de scientifiques n'avait pas observé une telle vague de chaleur depuis une soixantaine d'années pour cette période de l'année.
Les températures moyennes dans la région arctique ont augmenté de deux degrés depuis le milieu du 19e siècle, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Mais un scénario tel qu'il se déroule cette année n'était pas attendu avant 2100.
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"On sait déjà que le Grand Nord se réchauffe beaucoup plus rapidement que le reste du globe", rappelle Célia Sapart, climatologue et glaciologue à l'Université Libre de Bruxelles, lundi dans l'émission Forum. "Mais depuis quelques années, on a vraiment l'impression que les choses s'emballent. Et plus les glaces fondent, plus le réchauffement est prononcé dans cette zone. C'est donc une très mauvaise surprise".
Les conséquences de la fonte du permafrost
Cette experte climat chez C02 Value Europe relève que cette zone est extrêmement sensible, parce que le permafrost (sol gelé en permanence) contient énormément de carbone et de bactéries. "Et quand ce sol fond, comme c'est le cas actuellement avec ces températures extrêmement élevées, on a une libération de méthane", explique-t-elle.
Or il s'agit d'un gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le CO2. "C'est très inquiétant, parce que ça veut dire que plus ces terrains se réchauffent, plus on va avoir de fonte de ce permafrost et plus on va avoir d'émissions de méthane. Donc, ça va réchauffer encore davantage la planète. C'est un très gros problème, mais difficile à quantifier. On ne sait pas comment ça va évoluer dans le futur et c'est ça qui nous préoccupe aussi".
Populations possiblement vouées à l'exode
Célia Sapart relève encore qu'au niveau politique, le président russe Vladimir Poutine a une certaine volonté de minimiser la situation. "Et aussi de négliger toutes les populations de ces régions", ajoute-t-elle. "Il ne faut pas oublier que, sur ces zones de permafrost, il y a de nombreuses infrastructures, des villes (…) et toutes ces infrastructures sont en train d'être complètement dégradées. Il y a 40 millions de personnes qui vivent en Sibérie, ce n'est pas anodin du tout. Et ces populations vont être vouées à l'exode si les choses ne se stabilisent pas".
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Propos recueillis par Tania Sazpinar/oang