Usines de recyclage, stations d'épuration, activités agricoles ou proches voisins: les sources de mauvaises odeurs sont nombreuses et diverses. Elles suscitent des plaintes, mais aussi une prise de conscience, toujours plus importantes.
Ainsi en Belgique, une quarantaine de riverains se sont récemment mobilisés en justice contre les émanations d'une usine de frites surgelées. La Roumanie, elle, a adopté fin juin une loi contre les mauvaises odeurs dégagées par des entreprises ou des privés. Elle permettra des poursuites contre eux si les nuisances sont excessives.
Deux exemples vaudois emblématiques
Et il existe aussi différents cas problématiques en Suisse romande. Ainsi à Corseaux, sur la Riviera vaudoise, les odeurs d'un champ de cannabis légal avaient défrayé la chronique en 2018.
Autre commune vaudoise, Lavigny se bat depuis bientôt dix ans contre les effluves d’une entreprise de recyclage de déchets. Mais un accord a récemment été trouvé. "A force de discuter avec eux, ils ont dit qu'ils allaient réorganiser la place de compostage", raconte le syndic de Lavigny Bernard Rochat dans le 12h30. A la délivrance du permis de construire en 2018, des contraintes ont été imposées à l'entreprise, comme la couverture des halles problématiques.
L’Etat de Vaud était déjà intervenu par le passé pour ordonner la mise en place d’un catalogue de mesures, mais elles avaient été jugées insuffisantes par certains. Et au fil des ans, les plaintes avaient afflué à la commune.
"Ce n'était plus supportable du tout", souligne le syndic. "Quand on est en campagne, on accepte certaines odeurs – le purin, le fumier ou autres – mais là, c'est une odeur assez typique et vraiment dérangeante".
Une législation très évasive
La loi dit que les odeurs ne doivent pas déranger, mais elle ne dit pas grand-chose de plus, relève encore Bernard Rochat. "C'est le ressenti des personnes qui fait que c'est supportable ou pas".
Cet avis est partagé par la société Ecorecyclage, à l'origine des effluves à Lavigny, qui regrette que la loi soit un peu floue: il n’existe en effet pas de mesure pour les odeurs, comme c'est le cas pour le bruit.
Le directeur du site, Luc Germanier, explique qu’il s’agit avant tout d’un ressenti humain. Aujourd’hui, il est heureux que les tensions s’apaisent malgré l’investissement financier. Ecorecyclage a investi 3,5 millions pour réduire les nuisances olfactives.
Document fédéral de référence
Il existe bien des moyens d'évaluer - dans une certaine mesure - les nuisances olfactives. Un document de l'Office fédéral de l'environnement sert du reste de référence en Suisse.
Il y a en fait deux moyens d'estimer ces nuisances. Le premier est d'établir quel pourcentage de la population locale est affectée. S'il dépasse 25%, les nuisances sont jugées problématiques. L'autre moyen est de mesurer la fréquence d'une odeur sur la durée. Si elle est présente plus de 10% du temps, elle est considérée comme inacceptable.
"Une justice dépendante de l'argent"
Le chimiste Jean-Marc Stoll, directeur de l'Institut pour l'environnement et la technologie à la Haute école technique de Rapperswil, a participé à la rédaction de ce document. Son équipe réalise de telles évaluations sur le terrain mais il reconnaît un problème de taille: "Cela prend beaucoup de temps, cela coûte beaucoup d'argent aussi, donc on ne le fait pas très souvent", dit-il.
Il faut savoir aussi que la personne qui porte plainte doit payer à l'avance ces recherches qui coûtent beaucoup. "Les personnes normales n'ont pas d'argent pour payer ça. C'est un peu une justice dépendante de l'argent", déplore Jean-Marc Stoll.
Virginie Gerhard/Coralie Claude/oang