Au milieu des dirigeants de la Planète, des militants écologistes en colère et des ONG spécialistes du climat, les lobbies des énergies fossiles sont présents en force à la COP26 sur le climat qui se tient depuis la semaine dernière à Glasgow, en Ecosse.
L'organisation Global Witness, citée par la BBC, a compté 503 personnes accréditées ayant des liens avec les intérêts des énergies fossiles. Cela en fait la plus large délégation présente à Glasgow, devant celle du Brésil, qui compte 479 représentants.
Les lobbyistes fondus dans la masse
On retrouve ces lobbyistes dans les délégations des Etats, mais également parmi les milliers d’observateurs avec qui ils partagent les mêmes badges de couleur jaune. Tous se fondent donc dans la même masse.
La présence de ces défenseurs des énergies fossiles n’est pas forcément surprenante, puisque la plupart des délégations emmènent avec eux des représentants de la société civile, des dirigeants d’entreprises. La délégation suisse, par exemple, compte des scientifiques, des membres d’ONG, des représentants de l’industrie, voire de la finance.
Et dans le cas d'un pays comme le Canada, où l’extraction du gaz de schiste revêt une importance économique, il peut sembler normal que les politiques soient accompagnés par des industriels.
Des observateurs exclus des négociations
Il faut souligner aussi que les lobbyistes économiques ou environnementaux et les scientifiques ne participent pas aux négociations. Ils ne sont là que pour renseigner le staff politique de la délégation et pour échanger avec des politiciens d’autres pays. Hors délégations, des groupes de tous types sont admis dans les couloirs de la COP, certains plus engagés que d’autres en faveur du climat.
Mais ces lobbies des énergies fossiles sont-ils des partenaires indispensables ou sont-ils là pour freiner la transition énergétique? Il est de fait compliqué de savoir exactement quel pouvoir ils peuvent avoir sur la conférence.
"Plus on est nombreux, plus on peut réagir"
"Les observateurs ont un statut qui ne leur permet pas de prendre part de manière active au même titre que les Etats", rappelle Sofia Kabbej, chercheuse au sein du pôle climat de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris, mardi dans l'émission Tout un monde de la RTS. "On a des sessions fermées et des sessions ouvertes. Les lobbies pétroliers ont la même influence qu'un représentant d'ONG mais leur grand nombre fait qu'ils sont présents partout. Plus on est nombreux, plus on peut savoir ce qu'il se passe et réagir".
Pour Patricia Schouker, analyste en énergies à Washington, ces lobbyistes des énergies fossiles peuvent aussi avoir leur utilité: "Ce sont des groupes de recherche qui permettent de guider un peu les discussions des politiques (…) C'est un peu une encyclopédie des nouvelles technologies, que les politiques doivent prendre en mains".
"Leur participation est plus de ralentir les décisions"
Mais leur présence risque aussi d'être contre-productive par rapport aux ambitions de la COP26. "Je pense que leur participation, in fine, est plus de ralentir les décisions politiques et de laisser les entreprises pétrolières faire ce qu'elles font tous les jours, c’est-à-dire fournir plus de pétrole", reconnaît Patricia Schouker.
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Du côté des lobbies des énergies fossiles ou de ceux qui travaillent étroitement avec eux, le point de vue est évidemment totalement différent. Dirk Forrister, directeur de l’International Emissions Trading Association (IETA) présente à Glasgow avec une centaine de personnes, estime qu'il n'y a aucune raison que les industriels n'y participent pas.
"Notre mission est de contribuer aux objectifs de Paris"
"Nous ne sommes pas là pour arrêter un quelconque projet", assure-t-il. "Nous soutenons l'Accord de Paris, nous soutenons la politique de zéro émission nette (…) Notre objectif est donc de contribuer à la réalisation des objectifs de Paris. C'est notre mission et quiconque vous dit le contraire ne nous a jamais parlé".
Et pour Dirk Forrister, "une grande partie du monde des affaires comprend qu'il faut réduire les émissions. C'est formidable qu'ils soient ici pour soutenir ce processus, car ce sont eux qui doivent opérer la transformation dans de nombreux pays (…) Les entreprises doivent être présentes pour aider à apporter des solutions".
Il y a suffisamment d'experts sans ces lobbyistes
Ilona Kickbusch, fondatrice du programme de santé mondiale au Graduate Institute de Genève, n'en n'est pourtant pas convaincue. "C'est ce qu'on dit toujours et c'est en partie vrai. Mais les industries de la technologie prétendent toujours que les fonctionnaires des gouvernements ne connaissent rien aux big tech et qu'ils ne devraient donc pas les réglementer", poursuit-elle. "Je pense que nous avons suffisamment d'experts mondiaux en matière d'énergies, de pétrole et de gaz, et surtout d'énergies alternatives. Donc je ne pense pas que ce soit un argument pertinent."
Au total, 40'000 personnes participent à la COP26 et un peu plus de 100 groupes d'énergies fossiles sont représentés, avec une trentaine d'associations commerciales.
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Blandine Levite/ Silvio Dolzan/Patrick Chaboudez/oang