Au Japon, une équipe de recherche américaine a utilisé quelques spécimens d'Elaphe climacophora, une espèce de serpents nommée "ratiers du Japon", pour analyser et cartographier la zone d'exclusion autour de la centrale de Fukushima.
Pour ce faire, elle a capturé plusieurs reptiles qu'elle a équipés de mini-GPS et de dosimètres. L'équipe de recherche a ainsi découvert que les Aodaisho – ce sont leur nom en japonais – se déplacent très peu, faisant au maximum soixante mètres par jour, mais peuvent accumuler des niveaux élevés de radionucléides. Cela fait d'eux des bio-indicateurs extrêmement fiables de la radioactivité résiduelle. Il est possible d'évaluer la santé d'un écosystème grâce à eux.
Hanna Gerke, qui a participé à cette étude, explique que s'intéresser à la façon dont ces ratiers utilisent les paysages contaminés "contribue à améliorer notre compréhension des impacts environnementaux d'énormes accidents nucléaires tels que Fukushima et Tchernobyl".
Mieux que les sangliers ou les renards
Ces serpents sédentaires sont de meilleurs indicateurs de la contamination locale dans la zone que des espèces plus mobiles comme les sangliers: des ongulés radioactifs ont été détectés dans toute l'Europe, y compris dans les Grisons, contaminés par les restes de l'explosion de Tchernobyl qui a eu lieu le 26 avril 1986.
Les cochons sauvages se nourrissent de champignons, qui sont des éponges à particules radioactives. Trente-cinq ans après l'explosion, ces animaux dépassent encore largement les valeurs limites de césium fixées en Europe.
>> Lire : Dans les Grisons, la moitié des sangliers abattus sont radioactifs à cause de Tchernobyl
La zone de Fukushima est aussi habitée par des sangliers. Et, depuis que l'être humain a fui les environs de la centrale Daiichi après l'explosion du 11 mars 2011, l'endroit est devenu un paradis pour les animaux: des meutes de marcassins et de renards ont colonisé les lieux, tout en devenant très certainement aussi hautement radioactifs.
Mais comme ce sont des espèces qui ne tiennent pas en place, elles passent continuellement d'une zone à forte contamination à une zone plus faible. Les analyses faites sur ces quadrupèdes sont donc très disparates et, par conséquent, bien moins utiles pour la science que les données offertes par les serpents qui, eux, passent beaucoup de temps dans et sur le sol, et ont une durée de vie relativement longue.
Vivre avec la radioactivité
Pour anecdote, juste après la catastrophe de Fukushima Daiishi, Tepco, l'exploitant de la centrale, avait déjà utilisé un serpent, mais mécanique: le robot, envoyé en kamikaze au fin fond des réacteurs endommagés n'était jamais revenu de sa mission à la recherche du corium, ce magma métallique résultant de tous les métaux fondus par l'uranium échappé du cœur nucléaire.
Quant à notre Aodaisho, il mérite considération et compassion: il aide l'espèce humaine à détecter la radioactivité et réussit à vivre à Fukushima avec, dans le corps, des taux qui feraient pâlir Pierre et Marie Curie.
Sujet radio: Sophie Iselin
Version web: Stéphanie Jaquet