Certaines bactéries sont capables de récupérer toutes sortes de métaux, tels que le cuivre et le zinc, ainsi que des métaux stratégiques telles que des terres rares. Ces éléments sont leur nourriture: les bactéries les ingèrent par lixiviation.
La lixiviation est un travail de lessivage des déchets: les bactéries vont rendre solubles les métaux présents dans nos déchets électroniques ou dans les mâchefers des usines d'incinération, soit ce qui reste lorsque les déchets ménagers ont été brûlés.
Cette biolixiviation se fait à l'EPFL avec un projet du microbiologiste Pierre Rossi, associé de recherche et d'enseignement au sein du Laboratoire central de biologie moléculaire de l'environnement: "Ces petites bactéries vivent dans des milieux extrêmement acides, à ph2. Elles se nourrissent de minéraux ou de minéraux sulfurés: on les retrouve dans les environnements naturels, dans les gisements miniers, mais également dans les déchets produits par notre société de consommation."
Et de continuer: "Les bactéries utilisent les métaux des déchets pour se nourrir et, en même temps, placer les minéraux en solution. Donc on passe d'un état solide à des déchets liquides enrichis en minéraux. Ensuite, le but est de pouvoir utiliser ces liquides en hydrométallurgie et de les récupérer. On aura du cuivre, du zinc, des métaux communs, mais aussi et surtout des minéraux stratégiques précieux et rares, comme les lanthanides ou les terres rares".
Des bactéries travaillant en milieu très acide
Ces bactéries sont à l'œuvre dans des béchers du laboratoire de microbiologie: "Vous voyez des précipités qui sont des mâchefers qu'on a donné à manger à ces bactéries. Elles se sont maintenant tellement bien développées que le liquide qui était transparent au début est devenu opaque. Cette couleur brun-rouille, c'est justement le fer. Ce qui est intéressant, c'est que ces bactéries vivent-là dans un milieu à ph2, extrêmement acide! Il ne faut pas mettre ses doigts dedans!"
Les bactéries arrivent à dégager les métaux jusqu'à des concentrations qui vont au gramme par litre, ce qui est très élevé pour des organismes vivants.
Ces bactéries sont présentes un peu partout – dans des sites miniers, par exemple: "On les trouve chaque fois que l'Homme a creusé pour trouver des métaux. Il y a un endroit tout particulièrement fécond pour cela, c'est le Río Tinto, à la frontière de l'Espagne et du Portugal, en Andalousie: cette rivière a une très belle couleur qui va dans les rouges, les bleus et les verts".
L'activité de ces bactéries a un impact visible et polychrome sur l'environnement: "L'Homme, en ayant mobilisé les minéraux de la profondeur, a mis en surface des éléments chimiques qui n'avaient pas été en contact avec l'oxygène depuis très longtemps. Ces bactéries se nourrissent justement de ces éléments minéraux, puis relarguent dans l'environnement des lixiviats – de l'eau acidifiée enrichie en métaux qui vont ensuite se déposer dans cette rivière pour finir après dans la Méditerranée."
Dans ces environnements particuliers du Sud, il n'y a pas qu'une seule bactérie, mais une communauté extrêmement riche de ces organismes. Seules quelques-unes intéressent les scientifiques: "Celles qui auront la capacité de solubiliser les métaux. Il y a là tout un travail de microbiologie 'à l'ancienne', par opposé à la microbiologie moléculaire." Le chercheur explique qu'il est plus productif d'avoir un "consortium", c'est-à-dire "un assemblage de plusieurs bactéries qui travaillent de manière synergique".
Le Graal!
Les bactéries mettent en moyenne deux jours pour digérer le tout. Un moyen très écologique qui représente presque le Graal! "On peut le voir comme ça, oui", dit Pierre Rossi en riant. "C'est surtout une solution qui est amenée à se développer pour arriver à cesser de considérer nos déchets comme quelque chose de sale qu'on doit entreposer dans des décharges sur le long terme. Maintenant, il faut les considérer comme une source de matériaux extrêmement intéressants nous permettant de réaliser la transition énergétique".
Le défi est désormais d'augmenter la taille des réacteurs fonctionnant avec des consortiums de bactéries et de trouver également des bailleurs de fonds pour financer cette recherche.
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Sujet radio: Sarah Dirren
Version web: Stéphanie Jaquet