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L'île du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai est quasiment submergée

A gauche, le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai le 2 janvier 2022: dernière image acquise par Copernicus avant l'éruption. A droite le 17 janvier 2022. [European Union, Copernicus - Sentinel-2 imagery]
A gauche, le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai le 2 janvier 2022: dernière image acquise par Copernicus avant l'éruption. A droite le 17 janvier 2022. - [European Union, Copernicus - Sentinel-2 imagery]
Le volcan sous-marin des îles Tonga, dont l'éruption a provoqué un tsunami à travers le Pacifique et coupé l'archipel du reste du monde, a désormais quasiment disparu sous l'eau. Structure colossale située à fleur d'eau, il présentait une configuration géologique malheureuse et très difficile à surveiller.

Le 15 janvier 2022, le volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha'apai produit une éruption explosive massive dans l'archipel des Tonga, dans le Pacifique Sud. Selon les scientifiques de l'Université d'Auckland, cette éruption est la plus puissante enregistrée sur Terre au cours des trente dernières années. Elle a généré un tremblement de terre d'une magnitude de 5,8.

Des spécialistes vulcanologues comparent cette éruption à celle du Pinatubo de 1991 aux Philippines, la deuxième plus grande éruption volcanique du XXe siècle, qui a tué environ 800 personnes.

La partie ouest du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai, de haut en bas: le 10 avril 2021, le 6 janvier 2022 en train d'émettre de la fumée et des cendres, le 18 janvier 2022, trois jours après son éruption massive. [AFP - Satellite image ©2022 Maxar Technologies]
La partie ouest du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai, de haut en bas: le 10 avril 2021, le 6 janvier 2022 en train d'émettre de la fumée et des cendres, le 18 janvier 2022, trois jours après son éruption massive. [AFP - Satellite image ©2022 Maxar Technologies]

Des images acquises par le satellite Copernicus (en tête d'article) illustrent les conséquences de l'éruption désastreuse qui s'est produite sur cette île inhabitée.

Réalisées respectivement les 2 et 17 janvier, on y voit que l'île volcanique a quasiment disparu. Plus rien n'est visible de la zone centrale, seuls deux petits fragments à l'est et l'ouest sont restés au-dessus du niveau des eaux.

Suite à de l'activité volcanique en 2014 et 2015, les deux îles de Hunga Tonga et de Hunga Ha'apai – qui étaient elles-mêmes le produit d'anciennes éruptions – ont fini par ne former qu'une seule terre. C'est le cône volcanique qui les reliait qui semble avoir largement disparu sur les images satellite suite à la violente explosion.

Le 14 janvier, le volcan avait déjà craché un panache de cendres, de la vapeur et des gaz jusqu'à vingt kilomètres de haut dans l'atmosphère. Les Services géologiques de l'Archipel des Tonga indiquait le même jour qu'une éruption était imminente.

Déclaré "dormant" le 11 janvier

Tout a commencé vers le 20 décembre, quand le volcan est entré en éruption sous l'eau, provoquant "des explosions de plus en plus puissantes liées à l'interaction entre le magma et l'eau de mer", explique à l'AFP Raphaël Grandin, de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Toutefois, il a été déclaré "dormant" par les autorités le 11 janvier, selon le Guardian.

La plus grosse éruption s'est donc produite samedi, à 17h10, heure locale, formant un panache de trente kilomètres d'altitude qui a atteint la stratosphère, puis s'est rapidement développé en une "ombrelle volcanique": celle-ci possédait un diamètre de 260 kilomètres avant de se distordre sous l'effet des vents.

Une partie des îles de la zone s'est retrouvée ensevelie sous les cendres, précise l'agence sismique néo-zélandaise.

L'onde de choc (lire encadré) a été telle que l'explosion a été entendue jusqu'à Anchorage, en Alaska, à plus de 9300 kilomètres de là: "C'est exceptionnel. A ma connaissance, la dernière explosion audible à cette distance remonte à celle du volcan Krakatoa en Indonésie en 1883, qui avait fait 36'000 morts", souligne Raphaël Grandin.

A près de 500 kilomètres, sur l'île Lakeba de l'archipel de Fidji, la détonation était spectaculaire à entendre.

Phénomène de surpression

Une pareille explosion volcanique est assez rare, selon les spécialistes. Sa force s'explique par l'effet "cocotte-minute" produit par la remontée du magma – d'une température d'environ 1000 degrés – à la surface: il libère des gaz qui doivent "pousser" en direction de la surface pour se frayer un chemin, créant ainsi un phénomène de surpression. La présence d'eau "aggrave la situation car, avec la chaleur, elle se transforme en vapeur et se détend" d'un coup, développe Raphaël Grandin.

Toutes les explosions volcaniques sont liées à cette décompression des gaz magmatiques: "Quand ça se passe au fond de la mer, l'eau a tendance à étouffer l'activité. Quand ça se passe à l'air libre, les risques restent localisés. Mais quand ça se passe à fleur d'eau, c'est pas de chance, car c'est là que les risques de tsunami sont les plus élevés".

Cette éruption a été si puissante qu'elle a provoqué un tsunami généralisé, inondant des côtes des Etats-Unis jusqu'au Chili ainsi qu'au Japon, tuant deux personnes au Pérou et au moins trois dans les îles Tonga.

D'autres éruptions possibles à venir

La cause exacte du raz-de-marée reste cependant à déterminer. De manière moins probable, il pourrait aussi "provenir d'un mouvement de masse sous-marin, tel un effondrement de l'édifice volcanique lors de l'éruption", avance Robin Lacassin, également géophysicien à l'IPGP.

L'activité du Hunga Tonga-Hunga Ha'apai est d'autant plus difficile à comprendre qu'elle est sous-marine. Et il est malheureusement "presque impossible de la surveiller".

"Le volcan est susceptible d'éclater davantage dans les prochains jours", s'inquiète le professeur Oliver Nebel, de l'École de la Terre, de l'atmosphère et de l'environnement de l'Université de Monash, en Australie. Il se trouve sur la très active ceinture de feu du Pacifique (lire encadré).

Par ailleurs, le météorologue américain Chris Vagasky a étudié les éclairs autour du volcan et a constaté qu'ils étaient passés à environ 30'000 dans les jours précédant l'éruption. Le jour de l'éruption, il en a dénombré 400'000 en trois heures seulement, ce qui correspond à 100 éclairs par seconde.

Pluies acides

Pour la population, outre les risques de tsunami, la conséquence immédiate de l'événement est le manque d'eau potable: "L'éruption a libéré quantité de dioxyde de soufre et d'oxyde d'azote – deux gaz produisant des pluies acides lorsqu'ils interagissent avec l'eau et l'oxygène de l'atmosphère", remarque Brigitte Perrin, jointe par téléphone par RTSinfo. La cheffe de la communication stratégique à l'Organisation Mondiale de la Météo (OMM) continue: "Étant donné le climat tropical de la région, des pluies acides sont attendues dans l'archipel des Tonga ces prochains jours. Elles représentent un danger pour les réserves d'eau potable, qui pourraient devenir rapidement toxiques pour la population".

En raison de ce risque de pollution, la Croix-Rouge a annoncé l'envoi de 2516 conteneurs d'eau.

Quant à la pollution atmosphérique provoquée par l'éruption, le panache de fumée se déplace vers l'ouest, en direction de l'Australie: "Il est possible que cette pollution soit perceptible dans les mesures au niveau mondial, mais son ampleur et sa durée restent à déterminer", conclut-elle.

Stéphanie Jaquet et les agences

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Une onde de choc passée par la Suisse

Tout autour du monde, les baromètres ont enregistré l'onde de choc provoquée par l'explosion du Hunga Tonga-Hunga Ha'apai. Celle-ci s'est déplacée autour de la planète à une vitesse de 1100 km/h. Selon l'Organisation Mondiale de la Météo, un baromètre suisse a mesuré une amplitude de 2,5 hectoPascals (hPa) de pression.

Les ondes sonores provoquent brièvement un forte compression et expansion de l'air, explique le blog de MétéoSuisse. L'énorme "bang" qui en résulte a été entendu loin à la ronde. La propagation d'une telle onde de choc se fait à la vitesse du son, note le site: "La vitesse du son dépend de la température de l'air, elle est d'environ 1200 km/h".

Dans le courant de la soirée de samedi, deux ondes de choc ont été mesurées en Suisse.

Evolution de la pression atmosphérique à l'altitude de la station de Genève-aéroport en hectoPascals (hPa) entre samedi 15 janvier après-midi et dimanche 16 matin. Lors de la première onde, l'amplitude a dépassé 2 hPa. [MétéoSuisse]
Evolution de la pression atmosphérique à l'altitude de la station de Genève-aéroport en hectoPascals (hPa) entre samedi 15 janvier après-midi et dimanche 16 matin. Lors de la première onde, l'amplitude a dépassé 2 hPa. [MétéoSuisse]

A cause de la rotondité de la Terre, la première onde de choc s'est déplacée du nord au sud et la seconde, un peu plus faible, venait de la direction opposée, soit du sud: "Il s'agit de la partie de l'onde qui, dans la direction de propagation opposée, a parcouru un peu plus de temps pour nous parvenir. Les deux vagues se sont d'ailleurs rencontrées peu avant, quelque part en Algérie. C'est en effet là que se trouve le point du globe terrestre qui se trouve exactement à l'opposé du lieu de l'éruption", précise MétéoSuisse.

>> Lire : Le changement climatique affecterait l'activité volcanique sur Terre

Plaques tectoniques et activité sismique élevée

Situé dans la "Ceinture de feu" de l'océan Pacifique, zone où la rencontre des plaques tectoniques provoque une activité sismique élevée, le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai mesure environ vingt kilomètres de diamètre, pour 1800 mètres de haut, essentiellement immergés.

Il est "posé" au fond de l'océan mais son cratère principal affleurait au ras de l'eau, formant une île inhabitée, dont le point culminant se situait à 114 mètres. Désormais, il est entièrement immergé.

>> En rouge, la ceinture de feu du Pacifique : La ceinture de feu du Pacifique (en rouge) correspondant aux régions de forte densité de volcans. Les traits bleus représentent les fosses océaniques. [CC wikimedia - Rémih]
La ceinture de feu du Pacifique (en rouge) correspondant aux régions de forte densité de volcans. Les traits bleus représentent les fosses océaniques. [CC wikimedia - Rémih]